Indice 4

17 heures
Mon voisin de gauche s’appelle Rony. C’est un vieux lascar bâti pour vivre une éternité. Mais lui aussi s’est fait prendre à l’aube d’un jour de juin.
« J’avais pris trop de risques… Ils m’attendaient, ils n’ont eu qu’à me cueillir quand je rentrais du pub. »
Arrivé seul ici, il reste secret et taciturne en attendant son heure.
« Petit, je n’ai pas de regrets, j’en ai bien profité. Et ce qui m’arrive maintenant devait arriver tôt ou tard… Mais toi (soupir), toi, c’est une pitié de te voir si jeune dans ce mouroir. »
Je me rappelle mon cri : « Mais je n’ai rien fait ! »… ma voix est devenue tremblotante. « Libérez-moi ! Je veux ma Sicile, redonnez-moi ma terre ! » On m’avait assez parlé, chez moi, de ces endroits où disparaissaient à jamais un ami ou un frère, dont personne n’osait plus évoquer le nom, et que le silence enterrait une seconde fois. Et si parfois l’un d’entre nous laissait échapper un soupir ou un sanglot, les autres baissaient leurs yeux graves.

Faim de vivre, p. 32

Extrait du recueil de nouvelles Il faut prévenir les autresde Sarah Taupin

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