Indice 7

J’attendis longtemps. Je commençai à réellement m’inquiéter quand je réalisai, portant un regard distrait sur ma montre, que mon ami n’avait pas moins de quarante-cinq minutes de retard. Gagné par l’anxiété, je me précipitai hors de la gare pour scruter la campagne alentour. Pas un chat, pas un moucheron. Devant moi, seule s’étendait une immense forêt noire aux branches balayées par le vent brutal. Je restai un moment à l’observer, sentant poindre en moi un profond malaise. Les branches semblaient toutes tendre dans ma direction, et la vue de leurs extrémités crochues me hérissait l’échine. Les troncs se tordaient pour ployer leurs bras de bois qui cherchaient à m’agripper. Étrangement possessive avec les nouveaux arrivants, cette forêt avait l’air de vouloir me happer.
« Rodolphe ! »
La voix d’Yves claqua dans la campagne, m’arrachant d’un coup à l’emprise hypnotique des bois. Il approchait, tête minuscule cachée derrière le volant de sa Panhard. Ce véhicule dont il s’enorgueillissait avait fait à Paris l’admiration de tous (et suscité chez moi un sentiment de jalousie puérile !).

Marche ou crève, pp. 60/61

Extrait du recueil de nouvelles Il faut prévenir les autresde Sarah Taupin

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