À méditer : « de la chose à La Cause Littéraire »

Excellent éditorial de La Cause Littéraire, de quoi réconcilier éditeurs et chroniqueurs !


« Peut-on parler de littérature ? Y a-t-il une légitimité imaginable à porter un jugement de valeur sur une œuvre, ou un livre ? Un non-écrivain peut-il entrer dans le cœur vif de la création et articuler sur elle une lecture, une analyse intelligente, un "éclairage" comme on dit (comme si l’œuvre était a priori "obscure" !) ? »
C'est signé Léon-Marc Lévy, qui cite Maurice Blanchot« Il faut voir que la tâche de la critique est de devenir l’un des moments antagonistes de « l’œuvre d’art ». Elle est le dehors, et l’œuvre est une intimité fermée, jalouse, qui nie toujours plus ou moins le dehors. La critique est donc dans son rôle quand elle contrarie le mouvement de l’œuvre. Mais pour la contrarier, elle doit aussi s’approcher d’elle, la comprendre, la trahir, non pas en ce qu’elle ne la comprend pas, mais dans la mesure où elle est un très grand effort de compréhension. » (Maurice Blanchot. La condition critique. 1950), avant d'ajouter : « Le monde littéraire est en train de basculer dans l’ère du numérique. Il ne s’agit pas ici des livres numériques mais des foules qui gravitent autour de l’objet littéraire, lecteurs et critiques. On est loin de la  "fin des livres" annoncée par certains, au contraire : jamais le livre n’a tant été objet de désir, de passion, pourquoi pas de colère ou de rejet ! Mais on est proche assurément de la fin d’une certaine critique littéraire, celle qui s’appropriait tout l’espace du jugement sur les livres.
À nous, tous, amoureux des livres, de favoriser la fondation d’une nouvelle agora, une sorte de Salon Littéraire citoyen dont doivent être bannis aussi bien les encensements complaisants et mondains que les anathèmes dogmatiques et sectaires. »
« L’irruption des lecteurs comme acteurs de l’écriture a dynamité le couple "infernal" écrivain/critique en ouvrant l’espace littéraire à la société civile. La "critique littéraire", même dans des moutures parfois bien maladroites voire pitoyables,  n’appartient objectivement plus aux seuls experts et le marché du livre en subit l’influence. Les maisons d’édition l’ont bien compris, qui prennent très au sérieux ce qui se dit sur le net, forme moderne et déferlante du "bouche-à-oreille". On peut s’en plaindre si on veut mais on n’y changera plus rien et les experts devront en tenir compte et accepter de se situer dans la nouvelle agora, pas dans leur tour d’ivoire.

Dont acte. »

D'accord, d'accord...
Retrouvez l'édito de Léon-Marc Lévy in extenso.

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