« Comme tous les dimanches »

Pour illustrer l'histoire marmonnée du jour, petit lien vers le blog clik et clak de Dominique Houcmant :





Le long de la Meuse

Comme tous les dimanches – un de plus à arpenter les berges de la Meuse, échine courbée, pupilles pointues et douloureuses à force de scarifier les brins d’herbe grise, verte et jaune ; la terre lourde ; les eaux opaques.
Chaque péniche laisse dans son sillage des vaguelettes qui éructent mollement contre la rive, léchant de leur salive brune sachets en plastique et canettes flottantes.
Comme tous les dimanches, N. dame le sentier de ses semelles. Chaque muscle tendu de son corps a beau sentir le frôlement de l’air et le postillon des embruns sur la peau, aucun ne s’y abandonne. Les pieds martèlent, le regard lacère les dos abrupts des pêcheurs, figés à jamais par le désir.
Celui de N., assouvi et renaissant, l’aiguillonne, le coince dans un tourbillon dense et lent aux trousses d’une trace improbable et pourtant.
L’herbe se fait de plus en plus rare à présent. Passé le pont, les crachats des premières cheminées troublent le gris du ciel. Les couleurs flamboient – rouge, orange, vert, bleu – tandis que l’odeur d’œuf pourri s’insinue au fin fond des poumons.
On s’y habitue vite, comme à une couche visqueuse sous laquelle on débusque, à force d’entraînement, des nuances insoupçonnées de pluie. Terre, vase grouillante. Fleurs tardives, feuilles pourrissantes, bourgeons cachés.
pp. 77/78

Retrouvez d'autres extraits d'Histoires marmonnées sur le site.

Commentaires