«  Un jour, je suis entré en sixième au collège de Buchy. [...] Dieu a disparu du ciel et le malheur s’est abattu sur moi. »

Un jour, je suis entré en sixième au collège de Buchy. Il s’est alors mis à pleuvoir sans discontinuer sur toute la Seine-Maritime, la lumière s’est figée dans un crépuscule permanent, Dieu a disparu du ciel et le malheur s’est abattu sur moi.
Ma grand-mère me réveillait à sept heures moins le quart. Je faisais ma toilette, je descendais mon cartable de quinze kilos dans l’entrée, je prenais un chocolat et des tartines, et à sept heures et demie le téléphone sonnait trois coups. C’était le signal. Il me fallait sortir et marcher jusqu’au tilleul pour y retrouver Anne Lemouëllic, la voisine avec qui je traversais le hameau jusqu’au portail de monsieur Étancelin.
Anne Lemouëllic avait quatorze ans et aucune envie de faire la conversation à un bébé de sixième. Nous marchions en silence dans le crépuscule du matin en écoutant nos semelles racler le bitume, et je sentais monter la peur, qui ne m’avait pas quitté depuis la veille mais qui s’était tout de même un peu tassée pendant la nuit.
Après quelques minutes d’attente sous le portail, j’entendais un ronronnement annonciateur, et le fait de voir Anne ramasser nonchalamment son sac de toile kaki pour le mettre en bandoulière confirmait ce que je pressentais : le car de ramassage arrivait.


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À lire sur le site, d’autres extraits du Collège de Buchy, le nouveau roman de Jérémie Lefebvre.

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