« La poésie disparaît de leurs visages, laissant apparaître dans les plis de leur peau l’ambition et les petits arrangements avec les désirs. »

En quelques grands pas, il est de retour à son poste, se verse une tasse de café et déplie les journaux pour voir si le monde va mieux que la veille. C’est rarement le cas.
Heureusement, les clients se donnent le mot pour venir un à un l’empêcher de poursuivre sa lecture. Plus l’heure avance et plus ses clients sont réveillés, à la grande déception de Michel. Leurs rêves de la nuit se décollent en lambeaux. La poésie disparaît de leurs visages, laissant apparaître dans les plis de leur peau l’ambition et les petits arrangements avec les désirs. Alors, les regrets reprennent Michel. Il aurait dû postuler pour être libraire. Un jour, il aurait eu une librairie spécialisée dans le roman. Les clients seraient venus avec des yeux gourmands et des envies plein la bouche. Il les aurait écoutés longtemps, il aurait sorti pour eux des livres des rayons. Ils les auraient palpés ensemble. Michel s’était fait ce film des dizaines de fois. Il n’avait même pas essayé. Au début, il a pensé que c’était trop tôt pour changer. Maintenant, il se dit que c’est trop tard. Et ça le rend triste.


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