« [...] Friable
aussi l’œuvre, en un tout autre sens, lorsqu’elle touche les
susceptibilités locales. Jérémie Lefebvre
publie, aux éditions Lunatique,
un récit sur le harcèlement à l’école, intitulé Le Collège de Buchy. Il
s’agit des souvenirs d’un homme qui a été le souffre-douleur de
ses camarades, et, si je comprends bien (je ne l’ai pas encore lu) Lefebvre représente sans concessions la cruauté enfantine. La
question m’intéresse à un double titre. Parce que je connais bien
le village de Buchy, en Seine-Maritime, et parce que j’ai raconté
une histoire semblable, mais du point de vue des harceleurs, dans
Paradis noirs. Lefebvre
devait faire une rencontre avec les lecteurs à la librairie de
Buchy. Que croyez-vous qu’il est arrivé ? Le malheureux
libraire, à force de recevoir des menaces, renonce à la rencontre.
Ça m’a rappelé quelques souvenirs, et des événements très
frais, puisque des gens qui voulaient organiser des rencontres autour
de Pays perdu ont été menacés très explicitement. Mais j’ai eu
plus de chances que Lefebvre,
ou j’ai eu affaire à des bibliothécaires et des libraires plus
coriaces, les rencontres ont fini par se faire. Pas facilement,
croyez-moi.
C’est
ça la France, ce beau pays qui est fier de sa littérature et de sa
liberté d’expression. On y menace des libraires, on boycotte des
colloques par fanatisme idéologique (voir les chroniques sur Eribon
et consorts), on caviarde des textes qui fâchent, on fait circuler
des pétitions pour faire interdire ou pour faire virer les gens qui
ne pensent pas comme on doit penser, et finalement on tire dans le
tas. Oui, décidément, l’art reste fragile. Et fragile plus encore
lorsque, comme c’est bien souvent le cas, il n’est pas rentable
assez vite. Conclusion : [...] lisez Lefebvre (je m’en
vais le faire…). »
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