«  Ma grand-mère ne comprenait pas la méchanceté. »

Le Collège de Buchy : « Je ne savais plus qui habitait mon corps ni qui vivait ma vie. »


Dans la campagne normande vit un « troupeau de bêtes féroces ».
Inspiré d'une réalité violente et douloureuse, Le Collège de Buchy est un récit extrêmement dérangeant, âpre et sans concession. Il raconte le calvaire d'un jeune garçon, victime de harcèlement pendant sa scolarité, notamment lors de son entrée en sixième.
« Un coup dans l'estomac pour le plaisir de me voir fondre en larmes. »
Devenu adulte et père, le narrateur se souvient, avec une précision aigue des brimades verbales autant que physiques des élèves de la classe, de l'insupportable indifférence des enseignants à l'exception du professeur de musique ; ressasse sa souffrance et exprime sa soif de vengeance, sa haine vivace aujourd'hui encore.
Sans volonté d'atténuer ni d'oublier, le narrateur livre avec brutalité la cruauté des uns et des autres (tous nommés) à son égard, le supplice des intercours, du trajet en car, des séances de sport ; terriblement incisif et éprouvé. Sans détours, sans retenue, il livre ses envies de meurtre et d'humiliation à l'encontre de ses bourreaux, inapaisé, tourmenté par des blessures profondes et incurables. « Je désire que tous aient horriblement raté leur vie ensuite […] J'espère de tout mon cœur que pour eux il n'y a pas de Dieu et que personne n'entend leurs cris dans la nuit. »
« Ma grand-mère ne comprenait pas la méchanceté. »
Dans la campagne normande, vit une grand-mère douce et pieuse, assez innocente pour attendre de Dieu, de l'amour de Jésus, des rassemblements œcuméniques et des prières quotidiennes, la fin des souffrances envers son petit-fils et l'émergence du pardon chez ses tortionnaires. Attente vaine et pathétique, tragiquement drôle. Si douloureuse.

Dans la campagne normande, vit un orphelin sensible et fragile, à la voix de « soprano angélique ».
Au fil des pages, le lecteur est partagé entre l'effroi et l'insoutenable, mal à aise face à tant de barbarie, gêné de pénétrer dans l'intimité des pensées du narrateur ; presque coupable  aussi d'être le témoin indirect de tant de sauvagerie. Il a hâte de quitter le récit, dérangé profondément car s'il n'a pas été victime lui-même, soudainement alors il se sent presque bourreau à son tour, lorsqu'il a dû, à certains moments (c'est évident), emprunter des attitudes malsaines ou nonchalantes et des comportements excessifs, inhérents à l'effet de groupe. Voilà le malaise instauré dans la tête du lecteur. Et pour longtemps.

La tonalité, profondément noire et sans espoir de rédemption indispose et malmène, mais l'écriture, sans fioritures, percutante, vise juste et bouleverse par sa sincérité, retient le chagrin mais emplit d'une tristesse profonde et durable. Abasourdi, éreinté et meurtri, le lecteur n'a plus qu'une urgence, transmettre ce livre à ses enfants, jeunes adolescents. Pour éviter le pire.


Pour rappel, Jérémie Lefebvre rencontrera ses lecteurs le samedi 14 novembre, à partir de 10 heures, à la bibliothèque de Sainte-Croix-sur-Buchy.

Commentaires