L'Apparition, de Perrine Le Querrec est
un Objet Littéraire Non Identifié, tant sur le fond que la forme.
Le pitch ? Désolé ce n'est pas possible. Raconter, ce serait
dénaturer cette histoire qui perdrait toute sa force,
comme Samson sans ses cheveux.
Trois
parties, trois états, trois formes qui nous échappent et pourtant
sont totalement liées. Rien de « décousu », au
contraire, c'est très cohérent.
La
première : on plante les trois personnages. Trois gamines livrées à
eux même dans un village de montagne hors du temps.
La
deuxième : les apparitions. Les jeunes filles voient des trucs,
s'arrêtent, les yeux et les mains vers le ciel. Le village s'empare
de ce phénomène. La société s'emballe. Le spectacle social,
médiatique et mystique termine en bouillabaisse glauque et malsaine.
La
troisième : un personnage prend la parole, dans une langue dérangée,
décalée. Une logorrhée qui déferle avec la force fondamentale de
la nécessité de tenter de dire ce qui ne se dit pas.
Je
vous l'avais dit, tenter de raconter ne donne pas grand-chose... Je
n'ai qu'une chose à dire, franchissez le pas, osez rentrer dans cet
univers improbable, étrange qui paraît incroyablement distant et
qui pourtant parle du fondement de notre malaise sociétal.
Retrouvez cette chronique,
laissez la vôtre,
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Je
suis la fille du pleureur. Quand il ne pleurait pas, il avait pleuré,
il aurait pu pleurer. Un jour je l’ai surpris en larmes. Le jour
suivant je l’ai surpris en larmes. Chaque jour je le surprends en
larmes. C’est qu’il pleure tous les jours. C’est qu’il pleure
dans la maison. C’est qu’il pleure encore et s’il pleure c’est
qu’il est malade.
Je sais un fils est mort. Mon frère aîné. Entre les sanglots de mon père ma mère répète :
Je sais un fils est mort. Mon frère aîné. Entre les sanglots de mon père ma mère répète :
- J’ai
lavé le corps de mon fils. Son corps bleu, ses membres lourds qui
pèsent dans mes mains. Toutes les nuits je me couche sur mon ventre
de peau vide, c’est de ta faute !
Elle
le jette à terre. Il pleure à terre. La nuit si je me lève
j’enjambe le corps de mon père, je détourne le regard de ma
mère. Elle est assise dans le lit. Elle dit :
- Couché
c’est pour les morts.
Elle
enfonce sur son visage le bonnet de nuit qu’elle a fabriqué. Il
descend jusqu’aux épaules. Deux ouvertures percées au niveau des
yeux. Un surplus de fils se rabat dessus. Un autre trou pour la
bouche, fermé par un unique bouton. Parfois elle parle par là
avec son fantôme.
pp.
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