la folie d’une si longue attente, l’injustice d’une vie loin de lui


Depuis toujours, Pénélope figure la femme pure, chaste et fidèle qui, vingt ans durant, attend sans faiblir le retour d’Ulysse, son époux et son roi.
Comme l’Odyssée, Pas moins que lui se caractérise par l’absence du héros, empêché de rentrer chez lui par la colère de Poséidon.
Cependant, Violaine Bérot propose une relecture originale de l’œuvre d’Homère, où Ulysse et Pénélope apparaissaient figés dans le souvenir de l’autre ; ils sont, dans son roman, des êtres de chair et « de sens ».
Pénélope n’a plus rien de la femme passive et effacée, elle est maintenant érigée en personnage dramatique de premier plan. Un premier plan que d’ailleurs elle occupe doublement du fait que, seule et ne pouvant se fier à personne, elle s’adresse à elle-même avec un « tu » sans complaisance qui lui permet une prise de distance pour une meilleure prise de conscience. Pénélope s’observe, Pénélope se scrute, Pénélope s’introspecte et Pénélope se surveille.
Elle est une femme qui se voit vieillir, se flétrir et qui se sent faiblir ; mais elle doit se ressaisir, ne plus jamais faillir, car elle est une reine, la reine d’Ithaque, « la rocheuse Ithaque », cette île ionienne qui s’élève, lieu d’élection, de sagesse et de paix, au milieu de l’agitation du monde profane. Pendant vingt interminables années, elle fait corps avec son île, s’opposant avec morgue à l’ignorance des uns, et résistant avec orgueil aux assauts furieux, incessants des autres ; surtout, luttant contre l’incertitude engendrée par l’ignorance, contre la convoitise des hommes et la peau avide d’autres peaux, contre le temps qui ruine corps et royaume, contre la rage du désespoir, contre la folie d’une si longue attente, contre l’injustice d’une vie loin de lui, contre elle-même.
Pas moins que lui est une histoire d’amour, un amour fou que ne sauraient contraindre les lois du devoir d’une reine envers son peuple. C’est une histoire de lutte, aussi. Entre manque et désir, souffrance et constance, raison et passion, temps présent et lui absent.
Ciselé dans une langue fluide et magnifique, où la syntaxe n’est pas sans rappeler les grandes tragédies classiques, ce court roman dresse le portrait d’une femme de caractère, amoureuse absolue et reine fière. Un chef-d’œuvre de style et de maîtrise de la langue au service d’une histoire mythique.

Article publié sur le blog Le Pandemonium Littéraire, 25 Septembre 2013, Marianne Desroziers
Violaine Bérot réinvente l’histoire d’Ulysse d’Homère en se plaçant, ou plutôt en plaçant le lecteur, du côté de la femme. C’est une folle histoire d’amour quelle nous raconte, celle de Pénélope qui passe vingt ans à attendre l’homme qu’elle aime, sûre de son amour. Alors qu’elle s’apprête à le retrouver, elle vacille soudain, confuse de n’avoir plus le corps d’une jeune femme à lui offrir mais celui d’une femme mûre.
Un magnifique roman pour dire la dévotion des femmes, leur force et leur courage quand elles aiment mais aussi la difficulté à vivre dans la solitude et l'attente.

Article publié dans Libération, juin 2013, Xavier Houssin
Fiévreuse apostrophe, à la deuxième personne, accompagnant l’attente de Pénélope à Ithaque, le retour d’Ulysse et leurs hasardeuses retrouvailles. Une histoire d’espérance tenace, de désir contenu, à nouveau révélé. Une histoire de femme, charnelle, vivante. De passion, de raison. De maturité.
N’empêche, il fallait oser se colleter au mythe. Mais Violaine Bérot a l’habitude des prises de risque. Son premier roman, Jehanne, paru en 1995 chez Denoël, s’attaquait à Jeanne d’Arc. Bousculant la légende et les belles images, elle y donnait voix, dans une vérité troublante, à une toute jeune fille dévorée de mal d’être et d’amour impossible. Avec Tout pour Titou (Zulma, 1999. Lunatique, 2013), la folie maternelle et la maltraitance. Autant de sujets périlleux abordés à rebrousse évidences, avec des mots sensibles et une force narrative hors du commun. […] Entre solitude et attente C’est dans cette solitude [son divorce] qu’est née l’idée de Pas moins que lui, son dernier texte. « M’est revenu en mémoire cette description d’Ithaque dans L’Odyssée "une île juste bonne pour les chèvres" J’ai pensé à Pénélope. À sa longue attente. À son corps qui changeait. Et je me suis dit que moi aussi j’attendais. ».

Article publié sur le site France 3 Régions, 23 Septembre 2013, France 3 Midi-Pyrénées
Une plongée dans l’intimité d’une femme, directe, franche, brute. Et pas n’importe quelle femme. Une femme qui aime avec un grand A. Au nom de cet amour d’une fidélité absolue, Pénélope attendra Ulysse pendant 20 ans sur l’île d’Ithaque. L’histoire est connue, je ne l’avais jamais lue de ce point de vue. Avec les yeux et les pensées d’une femme qui envers et contre tout attendra l’homme qu’elle aime.
Violaine Bérot s’adresse à Pénélope et nous fait partager son cheminement pendant 20 ans. L’espoir qui devient douleur mais qui résiste, encore et encore. Le corps qui réclame l’absent, les pensées tournées vers lui en permanence. Et puis le choc.
L’incroyable, l’inespéré, le retour d’Ulysse. Comment Pénélope peut-elle affronter cela ? Elle qui depuis 20 ans s’est construite autour de son absence et de l’espoir. Peut-elle accepter ce retour ? Pas moins que lui est un livre d’une étonnante subtilité. Un texte court et profond au cœur de l’intimité et la dignité d’une femme. Envers et contre tout.

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