cette femme « belle comme le danger de vivre, l’insoumission »

Quand il fut honoré du prix Loin du marketing en 2016, Jean-Claude Leroy était tellement loin du marketing que l’éditeur principal de ses romans et nouvelles venait de faire faillite. Heureusement les temps changent. Certains de ses romans devraient être de nouveau disponibles bientôt. Et, surtout, Aimer de vivre, un nouveau recueil de textes vient de sortir aux éditions Lunatique. Pour qui veut goûter à la beauté de son écriture ciselée, c’est l’occasion. 
Dans cet Aimer de vivre, Jean-Claude Leroy se propose d’« exposer quelque subjectif aperçu d’un érotisme mi-réaliste mi-fantasmé ». Et c’est bien ce que l’on pourrait appeler l’âme de l’érotisme qu’il explore : cette affirmation de la liberté dans l’exaltation d’un désir. Il y a cette femme « belle comme le danger de vivre, l’insoumission ». Cette autre, hirondelle de 18 ans, « ange ébouriffé », innocente chez qui « rien n’est innocent », ardente invite à « l’amour qui embarque avant de noyer ». Car « Le plaisir se donne entièrement à ceux qui marient la plus pure innocence avec la plus vaste perversité ». 
Mais cette exploration d’une incandescente poésie n’est qu’un aspect de ce recueil où le monde se trouve parfois reconstruit par d’étranges phénomènes : La neige de l’hiver colonise les trois autres saisons ; le narrateur retrouve, visiblement abandonnée depuis longtemps, une maison qu’il fréquentait la veille encore. Le temps joue de drôles de tours à ceux qui aiment les sorcières.
Mais il peut arriver que le rêve éveille et que l’on se retrouve « aussi bien damné que ravi ».

Le huitième prix Loin du marketing a été attribué le 15 août 2016 à Jean-Claude Leroy pour l’ensemble de son œuvre.
Qui, à part Bernard Bretonnière, obstiné débusqueur de talents discrets, Jacques Josse, complice en poésie, Jacques Morin, portefaix de la revue Décharge, et une dame qui se plaît à goûter le sel des mots, sait que ce nom : Jean-Claude Leroy, n’est pas seulement celui d’un « homme politique » insignifiant mais aussi, et surtout, celui d’un (moins wikipédié) écrivain, romancier, poète, pamphlétaire, dont l’œuvre mérite une visite attentive ? Pas grand monde ! Et c’est bien dommage.
Son attention à ceux que les sociologues en veine de lyrisme appellent les « cabossés de la vie » et qui sont bien plutôt les victimes d’une société sordidement prédatrice, son « style souverain (qui) fait gagner l’alchimie permettant à toute littérature digne de ce nom de transmuer en or le plomb noir de ce qu’on appellera, pour dire vite, la mélancolie » (B. Bretonnière), la sombre force de sa poésie, son engagement sincère dans les luttes pour rendre la vie (disons) plus vivable, tout cela justifierait que les écrits de Jean-Claude Leroy aient plus d’audience qu’ils n’en ont. C’est pourquoi il a bien mérité de se voir salué du prix Loin du marketing.


Commentaires