Un dé suffit à faire trébucher un destin



Le roman, comme un policier, s’ouvre sur une disparition. Paul Hébert règne sur le jeu de pions en maître incontesté : il n’a jamais été vaincu en dix ans. Mais la veille du championnat du monde, il disparaît ! Le jeu de pions a supplanté rapidement, dès sa création, les quatre jeux desquels il s’inspire, les dames, les échecs, le go et l’Othello. Le fidèle ami de Hébert, le narrateur, qui se trouve être aussi le fondateur et rédacteur en chef de Pion magazine, ne croit pas à cette disparition.
L’auteur nous embarque facilement dans l’univers du jeu, que l’on soit familier ou pas des pions. Une première partie nous fait partager la passion des deux amis, le narrateur et le joueur de talent, avant d’emmener le lecteur vers Nantes, ville qui fleure bon, “comme un air marin qui te fait espérer l’océan”.
S’ensuit une seconde partie où se joue l’énigme de la disparition. Thierry Bodin-Hullin ne cache pas son attachement aux auteurs qui ont frotté leur plume à l’univers du jeu (de Zweig à Mallarmé).
Ici, l’auteur livre une vision toute personnelle du jeu. Jeu qui pourrait bien cacher un je. L’obsession, voire l’addiction, comme le hasard sont abordés avec finesse sous l’angle de ce fameux jeu de pions... et du dé. Sans conteste les deux personnages clés subissent “le je” du sort. Ils se trouvent retournés comme dans une partie régie par ? Mais par qui donc est réglée cette partie ?
Car chacun de nous est engagé. À ce petit jeu on risque de perdre gros. Dans ce que l’on nomme 
hasard, quelle est la part réelle de hasard ? Pointe la question du déterminisme et du libre arbitre. Le jeu devient métaphore et explore l’âme humaine, mettant à nu ses travers. Le rêve, récurent dans l’ouvrage, sonde la pureté dudit hasard. “La science, vois-tu, est trop rigide [...] Certains faits avérés sont... comment dire... sont en fait ! en vérité !... des chimères, des... illusions, oui c’est cela... désillusion !”. Le titre de l’ouvrage, Un pur hasard, aurait pu s’accompagner d’un point d’interrogation. Le mystère de la disparition constitue le pari tout à fait réussi de ce roman. On se laisse prendre au livre. Un dé suffit à faire trébucher un destin.
Chronique copiée de Mobilis (pôle régional de coopération des acteurs du livre et de la lecture en Pays de la Loire)

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