« cette contradiction entre la nécessité de dire et la conscience qu’il n’y a rien à dire »


C'est à lui, Philippe Annocque, que je pensais aujourd'hui; à ces cartes postales qu'il avait retrouvées, de son "Jeune grand-père" et qu'il avait retranscrites dans son blog, y mêlant ses commentaires, ses réflexions, ses questionnements (en italiques) pour une meilleure compréhension pour le lecteur.
Ces écrits ont fait l'objet d'un livre aux éditions Lunatique, collection Parler debout.


Je trouve celle-ci (mais il y en plein d'autres) émouvante, par les mots de Philippe Annocque. Edmond (le Jeune grand-père) évoque sa cousine Lucie Mangot qui lui a écrit une longue lettre :
"Elle est toujours très emballée et très confiante. [Edmond le disait déjà dans sa carte du 27 avril]. Sa lettre est très bien tournée. Elle me demande de faire mes mémoires, elle me dit que cela me fera du travail pour l’hiver, mais ce n’est pas le travail qui me manquera. Et puis, je n’ai rien d’assez intéressant à raconter."
 Et Philippe Annocque insère ce texte, bouleversant, s'adressant à son Jeune grand-père :
"« Elle me demande de faire mes mémoires. » Me voici. Je suis le bras armé de la vive cousine de mon grand-père, une jeune fille dont je connais à peine l’existence. Je suis là, Edmond, pour te dire de raconter que tu n’as rien d’intéressant à raconter. Que c’est le rien d’intéressant à dire qui est vraiment intéressant, à la fin. J’ai toujours eu ce sentiment, j’ai toujours vécu dans cette contradiction entre la nécessité de dire et la conscience qu’il n’y a rien à dire. Un instant je me plais à imaginer que c’est l’héritage d’une captivité vieille d’un siècle."
Philippe Annocque, in Mon jeune grand-père, éditions Lunatique, collection Parler debout, 2018. 
"Philippe Annocque s’est appliqué à déchiffrer les cartes postales que son grand-père, Edmond, adressait à ses parents alors qu’il était prisonnier de guerre en Allemagne, de 1916 à 1918. Ses mots d’aujourd’hui — explications, réflexions, exclamations, questions — se mêlent à ceux écrits pour dire, 100 ans plus tôt, le rien des jours qui se succèdent indéfiniment et se ressemblent infiniment. Mais, le rien n’est pas anodin, et le prisonnier de guerre, contraint par la censure, occupe de son écriture resserrée jusqu’à l’illisible l’espace restreint des cartes, pour dire tout simplement qu’il est vivant. Dans Mon jeune grand-père, l’auteur superpose sa lecture à ce qu’il retranscrit, et cette lecture aussi il la donne à lire. »


Samedi 17 novembre l'auteur sera l'après-midi au Salon de l'Autre Livre, 48 rue Vieille du Temple à Paris, toujours pour Mon jeune grand-père, 


Dimanche 18 novembre il sera toute la journée au Salon des Essarts-le-Roi, rue du 11 novembre et ça tombe bien puisque ce sera le centenaire de la libération de Mon jeune grand-père et de quelques millions d'autres personnes ; il y aura aussi bien sûr Seule la nuit tombe dans ses bras et même quelques autres titres.
Pour les autres programmations voir son blog.

Chronique volée sur le blog solitudemonamour

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