« Petit fascisme ordinaire »




Triste réalité...
Glaçant.
C'est le premier adjectif qui me vient à l'esprit après la lecture de ce roman, qui emprunte bien trop d'éléments que j'ai vécus, dans ce même collège, pour être qualifié d'ouvrage de fiction.
Ces deux longues années de harcèlement, décrites par l'auteur avec une plume à la fois réaliste, noire, très violente même, sont également des moments partagés pendant mon adolescence. Les crachats plein de morve, les chewing gums dans les cheveux, sur les vêtements.
Les coups. Administrés par des plus grands, dont on devinait les limites intellectuelles et le pauvre avenir de beauf qui s'offrirait à eux – du moins, c'est ce que j'espérais, moi aussi.
Ce collège. « Écrasé par la pluie » dès les premières heures de nos journées le plus souvent sombres. L'entrée en 6ème, dans cet établissement où dominait le béton, se présentait comme une initiation à un univers carcéral, avec ses promenades, ses codes, ses réseaux.
Qu'avions-nous donc fait pour être arraché de notre école primaire chérie, lieu de jeux collectifs, pour entrer dans cette prison, avec ses p'tits caïds ? Ceux qui t'obligeaient de faire leurs devoirs en étude, en te menaçant de te « faire la peau » dans le cas contraire à la sortie ? Ceux pour lesquels, comme le personnage principal de ce roman, tu nourrissais des envies de torture à ton tour, de meurtre aussi, disons-le clairement.
Parce qu'il se déroule dans le collège de mon adolescence, parce qu'il fait référence à des personnes chères, d'autres haïes, à des moments humiliants de mes premiers mois dans ce lieu, je me suis particulièrement reconnu dans la lecture de cet ouvrage trop court.
Une lecture où se mêle des sentiments de haine, de rires vengeurs, de larmes et de compassion.
Un roman qui se pose comme un véritable plaidoyer pour la lutte contre le harcèlement scolaire, un fléau toujours présent, trente ans après.

Petit fascisme ordinaire
« Un jour, je suis entré en sixième au collège de Buchy. Il s’est alors mis à pleuvoir sans discontinuer sur toute la Seine-Maritime, la lumière s’est figée dans un crépuscule permanent, Dieu a disparu du ciel et le malheur s’est abattu sur moi. »J'ai attaqué le livre cet après-midi et je l'ai avalé d'une traite.
Quand je dis que je l'ai "attaqué", je ne m'attendais pas encore à ce que le livre rétorque et que ça soit lui au final qui m'attaque.
Il m'a chopé à la jugulaire, comme un pitbull et ne m'a plus lâché jusqu'à la dernière ligne.
Au début, j'ai vaguement pris le parti de rire de sa férocité, de sa cruauté et puis, il m'a mordu par surprise.
A vrai dire, il a fallu plusieurs heures avant que je puisse écrire ces lignes tant l'uppercut m'aura laissé sans mots, le souffle court.
Et j'ose le dire, c'est un petit bouquin d'apparence fluette mais qui cache une musculature littéraire insoupçonnée et une force de frappe titanesque...
De ceux qui ne vous laisse pas indemne et dont vous sortez profondément modifié.
Je comprends un peu mieux l'hostilité et même la violence qu'il génère... (bien qu'elles soient injustifiables !)
Le moins qu'on puisse dire est qu'il doit rester sérieusement en travers de la gorge de certains de ses lecteurs (ou de ceux qui l'ont jugé sans l'avoir lu et qui ne soupçonnent même pas à quel point ils sont très nettement en dessous de la réalité ^^) et qu'il fait partie de ces livres que je qualifie de "dangereux", au sens ou ce qu'ils inoculent au lecteur n'est ni anodin, ni sans conséquences.
On ne se frotte pas impunément à ce genre de littérature et il y a un avant et un après.
Je n'ose imaginer ce que ça a du coûter à écrire.
Ce livre n'est pas aimable, il ne cherche d'ailleurs jamais à l'être, il est même profondément déplaisant mais je n'ai pas de mots assez fort pour dire combien je le trouve profondément admirable et essentiel.
J'espère de tout cœur qu'il a rencontré et rencontrera des lecteurs à sa hauteur.
Un véritable tour de force !!!



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