« j’ai de quoi consommer (j’allais écrire : vivre) une semaine ou deux, au maximum. »

 La Vie brûle, de Jean-Claude Leroy

Extrait :

Lundi 31 janvier : J’ai pu téléphoner en France. Coup de fil très rapide qui a mangé toutes les unités de la carte, mais enfin je sais que les proches seront rassurés au moins pour un temps. Les distributeurs sont inutilisables, l’argent ne circule plus qu’au sein des banques, j’ai de quoi consommer (j’allais écrire : vivre) une semaine ou deux, au maximum.
Aujourd’hui, la télé nationale diffuse la cérémonie de réception du nouveau gouvernement, durant laquelle chaque ministre vient prêter serment devant le président. Chaque nouveau venu à son tour prononce distinctement une formule obligée, se dirige vers Moubarak, lui serre la main, puis s’éloigne. L’atmosphère paraît glaciale, pour ne pas dire sépulcrale. Sinon, sur l’écran noir et blanc, toujours les mêmes images des rues du Caire, opportunément tranquilles. Pas une seule vue de la place Tahrir où se tiennent pourtant un million de personnes, d’après ceux qui, de là-bas, ont téléphoné à Nessim dans la journée.
Dans son discours, El Baradei a demandé à Moubarak de partir, pour le bien de son pays et pour le sien. Plus largement, beaucoup de gouvernements de par le monde demandent à leurs ressortissants de quitter l’Égypte. Le point de vue des Occidentaux en général semble assez alarmiste, on pense que la situation va durer et s’empirer. Par ailleurs, un bruit circule concernant le canal de Suez, il serait fermé ou sur le point de l’être.
Un immense et immanquable graffiti sur un mur, le long de la mer. Je quémande une traduction dont je ne suis pas déçu : « Cochon, va-t’en ! » Il me revient que depuis des lustres, à défaut de cochon, les Égyptiens surnomment Moubarak : « La vache qui rit. »
pp. 51-52

Commentaires