« La vie brûle est un livre important, et peut-être l’occasion d’une réflexion sur le rôle de la littérature dans l’écriture de l’Histoire. »

 

La Vie brûle, de Jean-Claude Leroy


Récit de la révolution égyptienne de 2011 par un écrivain rennais

Le lundi 16 novembre, près de dix ans après le début de la révolution égyptienne qui mit fin au règne de Moubarak, les éditions Lunatique ont publié La vie brûle. L’ouvrage est un roman, issu de plusieurs voyages en Egypte, dont un séjour durant la séquence révolutionnaire de l’hiver 2011. Son auteur, Jean-Claude Leroy, est romancier, poète et essayiste. Il réside à Rennes, et a notamment écrit une nouvelle faisant écho à la mort de Babacar Gueye, tué par un policier à Maurepas [1].

Le personnage principal de La vie brûle est un vrai-faux touriste, vagabondant au cœur de la révolte d’un peuple. Il en fait la description au fur et à mesure de l’évolution des événements et de ses discussions avec les Egyptiens rencontrés, qu’il s’agisse d’une dame âgée se réjouissant de voir le pouvoir enfin ébranlé, de jeunes manifestants pris par la révolte, ou de poètes rencontrés à l’hôtel … Parallèlement, les amis français du narrateur, pour certains spécialistes de l’Egypte, n’imaginent pas une transition qui ne serait pas assurée par les militaires. La suite des événements leur donnera malheureusement raison.

Si nous pouvons nous questionner sur le fait qu’aucun personnage ne développe de vision politique précise quant à la révolte en cours, il est probable que cette absence reflète une partie de ce que fut la situation en Egypte, de la révolte contre Moubarak en janvier 2011 au coup d’Etat d’Al-Sissi à l’été 2013, en passant par la « transition démocratique » encadrée par l’armée. Dans un pays où la plupart des organisations politiques et syndicales avaient été soit réprimées soit très encadrées, et où l’information indépendante comme l’expression politique dissidente avaient été bannies, il s’agissait d’abord de se révolter contre le tyran, et les autres questions étaient remises à plus tard.

La vie brûle n’est cependant pas un essai, mais un récit romancé, celui des pérégrinations d’un écrivain français, des réflexions d’un vrai-faux touriste curieux et modeste face à un peuple en révolte. La vie brûle est un récit, dont le déroulé peut être interrompu par un événement. Il en est ainsi de la mort de Patrick Lafourcade [2] dans un accident de voiture en Inde, après une quinzaine d’années passées dans ce pays où il construisait et restaurait des maisons, créait des meubles, lisait, et écrivait, et à qui quatre chapitres de La vie brûle sont consacrés. Il en est de même de la catastrophe nucléaire de Fukushima, qui donne l’occasion d’une analyse politique qui prolonge ce que Jean-Claude Leroy avait écrit à propos des dangers du nucléaire dans Leçon de campagne (récit et analyse de la mobilisation de l’hiver 2000 contre la possible installation d’un site d’enfouissement de déchets nucléaires en Mayenne).

Aussi, dans La vie brûle, cette partie sur Fukushima, qui est l’occasion d’une réflexion sur les ravages d’un mode de production, peut répondre à la frustration face au peu de théorisation quant au contexte historique auquel font face les insurgés égyptien dans le même ouvrage. Quoi qu’il en soit, La vie brûle est un livre important, et peut-être l’occasion d’une réflexion sur le rôle de la littérature dans l’écriture de l’Histoire.

Chronique prélevée sans douleur sur le site Expansive.info



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