« L’idée est bonne, mais elle ne tiendra pas une minute. »

   


À paraître le 15 novembre (papier + ePub) :

Enfance naufragée au large de Magouëro ; chiens errants, dans une forêt aux fées, assoiffés de chouchen et de chaleur humaine ; promesse d’une fuite ; Brest et son port, pour un nouveau départ, espoir d’une autre vie ; légendes de pirates racontées dans les bars, entre deux rasades de whisky ; destins croisés, la nuit, sur les quais ; draps froissés, étreintes vite oubliées ; murmure de la ville, inquiétant et bienveillant ; sac et ressac de souvenirs qu’on ne sait oublier ; et une écriture, envoûtante, belle et sauvage comme la côte bretonne : un premier roman dédié à tous les enfants qui s’oublient.

Couverture : Vague #1, Mouche, 2021

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Un petit extrait pour patienter ?



On est à l’endroit indiqué. Rue Danton ; chez Kim. Il est tôt dans la soirée, mais déjà le lieu résonne. Chant. Musique. Déferlante de notes sur portée. Mark, le chauffeur de taxi, s’esclaffe à la guitare ; il fait trembler la voix pour envahir l’espace. On s’amuse. Rires. Conneries qu’on prévoit d’enchaîner. Boissons. Pintes.

« Une deuxième, s’il vous plaît. »

Décompte abandonné. Montre brisée ; pas besoin de se presser. Au lieu de ça, on écoute et on danse au rythme de l’insomnie. Les notes fusent et les mots s’embarquent dans un déluge de bémols et de dièses ; se démènent les mélodies. Et, au cœur des rythmiques, la voix grave et engraissée par des années de mégots vieillissant au fond du cendrier du véhicule de travail. Le timbre sort des tripes. Mark gueule de l’intérieur, fissure les murs de pierre. Autour, entre les cartes postales et les dessous de verre, les discussions, les embrassades de passion et les interdictions se mélangent. On s’était dit retour avant minuit, mais déjà, l’écoute est ailleurs — oubli du soleil qui entend jeter ses premières lueurs. On fredonne les effluves des nuits remplies d’alcool et des gueulantes que les loups se crient pour se répondre dans un langage inconnu. L’estomac sature. Les cellules peinent à se renouveler, à restaurer les caresses des figures dont on veut tant se rappeler. Mouvements de tête et de pied. Rythme qui s’emballe à mesure que le sang s’enflamme. Il accélère ; on accélère. On se fait maître des émotions carcérales d’un corps qui ne tient pas l’alcool. On est prisonnier du cérébral. Des illusions psychédéliques qui hypnotisent aux heures tardives vulgaires pousses de lierre agrippant l’esprit, encerclant la tige de la pensée, entortillant le tronc de la raison et étouffant le stipe même des existences passionnées.

« Je crois que je vais rentrer… »

L’idée est bonne, mais elle ne tiendra pas une minute. Elle se perd dans le hochement de tête de Mark, dont les doigts reprennent déjà les cordes. Il manie son voilier musical d’une main de maître. On sort se fumer une cigarette.


pp. 92-93



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