« Et pour elle, un parcours de mère zéro faute. »

 

Pour que demain vienne, de Corine Pourtau

Pour que demain vienne c'est l'histoire de cinq personnages, des adolescents ou de jeunes adultes, se heurtent à leur réalité ou à celle de la société. Une réalité d'autant plus cruelle que rien, ni leur nature, ni leur histoire, ni les circonstances extérieures, ne les y a préparés, et qui les détruit.

Cinq nouvelles pleines de sensibilité construites comme un ensemble. Un ensemble noir , très noir même parfois. Des instantanés, des photos reportages, des moments de vie, des morceaux j'ai presque envie de dire qui nous arrivent en pleine figure et qui nous bousculent et bousculent parfois nos certitude au passage.

Chronique relevée sur Babelio


Picorage (une sélection d’extraits de Collectifpolar) :

Il avait quinze ans et demi la première fois qu’il avait fugué. Un tremblement de terre. Un tsunami. Le ciel qui lui tombait sur la tête. Le sol qui s’ouvrait sous ses pieds et l’engloutissait toute, la broyait en se refermant, lui brisait les os un à un, pulvérisait ses viscères. Soixante-sept heures de pure terreur, à tout imaginer, à lutter contre des visions sanglantes de corps fracassé par le pare-chocs d’une voiture, de corps tabassé dans un sous-sol, d’errance hagarde sur le bord d’une route. Et puis la honte ensuite, quand elle avait su. Le puits sans fond de la honte. Ni accident, ni séquestration, ni amnésie. Fugue. Et la question du pourquoi qui butte sur le bord des lèvres. Un garçon qui avait été si désiré... Tant aimé… Une enfance sans problème. Et pour elle, un parcours de mère zéro faute.


Très tôt, sans qu’elle s’explique pourquoi, il avait eu peur du noir. Quand la nuit tombait, il devenait nerveux. S’ils étaient à l’extérieur tous les deux, il la pressait de rentrer, l’entraînait en courant presque à proximité des zones de lumière, des magasins tout éclairés, des grandes avenues inondées de la clarté des lampadaires. S’ils étaient chez eux, il s’éloignait des fenêtres, jetant à intervalles réguliers à travers les vitres des coups d’œil pleins de malaise comme si de terrifiantes créatures menaçaient de traverser le verre pour se ruer sur lui, le manger ou l’emporter au fond de leur tanière, comme dans ces contes absurdes qu’elle refusait de lui lire, mais qu’il avait dû trouver quand même ailleurs, à l’école peut-être.


C’est une ancienne voisine avec qui elle garde de loin en loin le contact qui l’a avertie. Un jeune homme, planté quai Jean-Moulin depuis une huitaine et qu’elle croise tous les soirs ou presque vers 19 heures, en allant faire ses ménages. Une fois ou deux, elle l’a revu en rentrant, vers 22 heures. Elle pense l’avoir reconnu, mais comment en être certaine ? Il a tellement changé, si c’est vraiment lui. Amaigri, les traits fatigués. Et toujours seul. Toujours l’air d’attendre, à la même place, devant la même entrée. Elle ne pouvait pas se taire, n’est-ce pas, mais elle ne voudrait pas non plus lui donner de faux espoirs. Quelques années de plus, à ces âges, ça fait une telle différence…


Commentaires