« dérouler le fil de sa mémoire au grand jour »

 

Le Progrès saint-affricain — 31 mars 2022


Avec son troisième roman, l’auteure aveyronnaise Elsa Dauphin nous offre un modèle de concision, de poésie et... de suspense.

Dans une suite de courts chapitres, alterant les différents moments de l’existence de Léa Détrier, jeune femme solitaire, nous sentons s’approcher le drame qui va bousculer sa vie, qu’elle rêvait de paix et de bons sentiments.

D’abord aux prises avec les chasseurs qui s’approprient la nature autour de sa maison, la narguant de leur comportement menaçant et leur allure guerrière, c’est ensuite avec Thierry Racoule, le patron autoritaire, arrogant et à peine poli avec elle, de l’auberge où elle travaille comme femme à tout faire : le ménage, le service, la plonge... qu’elle a maille à partir. Puis ce sont les gendarmes qui la harcèlent et l’accusent de meurtre jusqu’à la livrer à la prison... toutes ces conjonctures néfastes font que Léa perd peu à peu pied et s’enfonce dans un isolement peuplé d’oiseaux.

Les oiseaux en effet sont très présents dans ce petit livre : ils sont une véritable passion pour Léa qui connaît leur nom, leurs habitudes et leur consactre beaucoup de temps en observation et identification... d’où la magnifique couverture des éditions Lunatique qui augure de leur récurrence dans le livre (deux chapitres leur sont entièrement dédiés).

Toujours est-il que Léa, de plus en plus mal dans sa peau, captive de souvenirs pour le moins sombres et traumatisants, a du mal à se libérer de la prison de son passé et à trouver une identité dans sa nouvelle vie à la campagne, loin du stress des villes, de la violence et du sexisme des hommes. L’apaisement va-t-il enfin arriver, et avec lui éclipser les événements troublants qui m’empêchent de se réaliser pleinement dans un environnement enfin bienveillant ?

D’une écriture sensible et émouvante, Elsa Dauphin sait nous faire partager les sentiments confus de son héroïne qui altèrent « ses capacités sensorielles » et l’empêchent de « dérouler le fil de sa mémoire au grand jour » comme elle le dit amèrement.

Un roman captivant, à découvrir et à déguster en goûtant chaque mot... avec la gourmandise et l’exigence d’un public à la recherche de création rare.



Christiane Cambiaire


Captive, d’Elsa Dauphin



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