« Son planning familial à elle, c’était l’aiguille à tricoter et la cuisinière avec une bonne bûche. »

  

À paraître le 21 septembre 2024
260 pages, 24 €


La Mère n’a jamais eu la fibre maternelle. Et pour cause ! Ceux de mes aînés, frères ou sœurs, qui sont passés dans le fourneau de la cuisinière, ne me contrediront pas. Et ils ne témoigneront jamais contre La Mère, n’ayant eu le temps ni de voir la couleur du ciel ni même de respirer. Avortons de fratrie partis en fumée. Elle en avait « marre de tous ces mômes attrapés à cause de la bagatelle, vite fait sur le gaz, du café des pauvres au sirop de corps d’homme ». Et voilà que les futurs chérubins, qui auraient ému Madame la ministre des familles nombreuses, finissaient en cendres.

Son planning familial à elle, c’était l’aiguille à tricoter et la cuisinière avec une bonne bûche. Ni vu, ni connu. Ce qui comptait, c’est que l’effet désiré soit obtenu et « qu’au passage j’attrape pas une saloperie comme c’était souvent le cas pendant la guerre ».

Tout le monde a su que pendant la guerre elle n’avait pas eu grand-chose, « bien que je n’aie jamais manqué de rien, question nourriture, vu que je bouffais tout ce que je trouvais dans la forêt, champignons, sangliers, chevreuils, lapins. Dans ce temps-là, du lapin y en avait autant comme autant. Ça détalait de partout avant que la myxomatose ne les fasse tous crever ». Elle était habituée à « avoir encore moins que tout le monde, depuis toujours ». Alors, ça ne l’avait pas dérangée de vivre dans sa cabane de branchages et de fougères au milieu de la forêt, « vu que je m’en foutais pas mal ». Elle avait une santé de fer à l’époque, et « pas rouillée, comme maintenant ».

pp. 92-93


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