
Premier amour de Benjamin Taïeb et déjà grand !
Délicat, mélancolique, un bouquet d’étoiles en main, ce roman qui sonne vrai, est dans cette douceur printanière, lorsque l’on vibre de par les senteurs encore virginales.
Le narrateur (double de l’auteur) est amoureux. Tout pourrait bien se passer, si ce n’est la furieuse giboulée qui va transpercer et son cœur et dans une posture manichéenne, mettre Paul (c’est son prénom) face aux réalités de l’antisémitisme.
On aime la pudeur des premiers jours. Les innocences à l’instar de la pureté. Ici, c’est le règne de l’aube nouvelle. L’écriture absolument magnifique, qui déroule le récit dans cette effervescence des premières fois. L’amour, « à l’abri des regards et de la lumière. » « Elle a 16 ans, il en a 17. Ils sont en terminale. Bientôt passeront le bac. »
Paul et Valérie. Valérie et Paul.
Ils se retrouvent dans les escaliers, cage protectrice. Lieu des rendez-vous, dans cet anonymat qui les protège.
La maison de Valérie est emmurée. Paul n’a pas le droit de franchir le seuil. Le refus d’espérance, le premier pas dans le rejet.
Christine, la mère de Valérie, déteste Paul.
« Valérie confesse à Paul que sa mère, catholique, a des préjugés sur les juifs. Paul, de confession juive, ne comprend pas bien ce que la religion vient faire dans leur histoire d’amour. »
Valérie se soumet aux diktats de sa famille. Elle est de mimétisme dans son cercle familial. Elle accepte les règles, adolescente sage, mais amoureuse de Paul. Son silence est une chape de plomb sur la conscience de Paul. Ils échappent encore aux pliures des souffrances. Tout est si neuf, si désirable, le moindre regard, les soupirs-caresses, sont encore des ressources, des points d’appui. Mais Paul est mature et blessé, et comprend que l’adresse est erronée et que les ratures sont indélébiles. Un monde d’adultes sépare ces jeunes amants.
« L’amour parfois repose sur un malentendu. » « Sans doute a-t-il plu ce jour-là. Il pleut aussi dans les histoires tristes. »
Que va-t-il se passer ? Premier amour est le reflet sociétal qui brûle les mains des enfants.
Le récit s’échappe, laisse les émotions resurgir. Les vérités enserrent la trame. Il n’y a jamais de compromis face à la bêtise humaine, aux rejets et au racisme latent.
Paul paiera le prix fort, bouc-émissaire des a-priori, lui, le plein de ce livre qui traverse la lumière et se heurte aux angles des murs gris et hostiles.
« C’est qu’il a au fond de lui, la certitude qu’il ne se serait jamais lassé d’elle. »
Les entrelacs, ici, sont à l’instar d’une nage à contre-courant dans un lac glacé.
L’épreuve de la vie. Le choc des cultures, les désillusions comme un buvard meurtri d’encre qui dégorge. Mais persiste le levier, qui sera le plus bel escompte du futur pour Paul, qui deviendra un jour certain, un avocat.
Il a compris où mène le chemin de la justice, de l’écoute et de l’entraide. Premier amour est aussi cela, la revanche sur l’adversité. Il se réalisera en tant qu’homme libre.
L’initiation, et Valérie qui lui a offert le plus bel apprentissage pour vaincre les torpeurs assassines d’un monde de malentendus, de maladresses et d’incompréhensions.
L’antisémitisme est la pièce maîtresse de cette histoire où les jeunes gens enlacent malgré eux, le modèle des parents.
Rimbaldien, absolument nécessaire, que ce livre soit lu par tous et toutes, tant les degrés sont signifiants et parlent au monde d’aujourd’hui plus que jamais.
Publié par les majeures Éditions Lunatique.
Une recension signée Evlyne Leraut pour son blog L’élégance des Livres
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