« Il sait tout de la sauvagerie humaine. »

   

Paru le 15 sept. 2025

Comme un mendiant sur les quais de marbre est un roman sombre et poignant.
Superbe dans l'écriture d'acuité, au plus proche d'une vérité littéraire et vivifiante.
Ce livre immanquable donne le pouvoir de paroles à sept protagonistes.
L'automobiliste, La mère, La camarade de classe, La conseillère d'éducation, le professeur, le rival et L'épicière.
Ils nomment Julian B., quinze ans.
La polyphonie rassemble l'épars. Dévoile subrepticement ce jeune homme cabossé par la vie. Maltraité par son père, une mère qui ne l'aime pas et le rejette. Elle voulait une fille. Ce jeune garçon est dans un carré de ciel orageux dont les éclairs sont des coups et des brimades. 
On s'attache aux faits, au déroulé des dires. Dans cet évènementiel dont Raymond Penblanc peint l'atmosphère avec talent et compassion. 
L'évocation puissante, presque charnelle, tant ce texte est une traversée du désespoir, des violences enfouies.
Julian, qui trouve son double cornélien dans l'âme de Rimbaud.
Dans le macrocosme de ce poète torturé, amoureux, sublime et enivré de poésies.
D'aucuns content, tour à tour, ce poulbot qu'on aime de toutes nos forces.
La quintessence réside dans le pouvoir d'un texte sans pathos, résolument tendre. 
Un enfant avec un sac à dos symbolique, la franche devant les yeux, et l'habitacle rimbaldien à l'instar d'une soupape de sécurité.
L'automobiliste :
« Sur le coup, je me suis demandé s'il débouchait du chemin pour venir se poster au bord de la route, ou s'il ne se préparait pas à s'enfoncer dans les bois au contraire, afin de se soustraire à ma vue. »
La temporalité est un cercle. Ce chant désespéré dans sa dimension, est la pleine lumière sur les drames venus de son enfance.
L'orée littéraire donne le plein pouvoir à la ferveur sentimentale : Arthur RimbaudCharles Baudelaire, Julian et son rival.
Et l'on ressent le bruit de la langue d'un auteur de renom. Ces jeunes garçons qui traversent les douleurs, les rivalités, dans une théâtralisation mentale.
L'épicière : «  D'où peut bien sortir cet énergumène ? Louche. Mais réglo. »
Elle qui fera tout pour ce gosse Géricault.
Ce récit qui brille d'empathie, de tendresse est bouleversant, tant il est le coeur même de Julian.
Le rival : « Je me demande s'il faut se taire savoir se taire
ou au contraire
savoir parler en choisissant ses mots
s'il faut se taire quand tout le monde parle
parler quand tout le monde se tait
s'il faut aimer Rimbaud
préférer Rimbaud pour être
singulier. »
Le professeur : « Mon rimbaldien de choc affiche son air sombre des mauvais jours, il doit songer à cette prose éblouissante dans laquelle il est tombé en amour, et moi aussi j'y songe. »

Raymond Penblanc surdoué, attentif à la sonorité de ce texte de renom, honore la poésie et son pouvoir.
Julian, piégé par les désastres du monde, le front contre le mur des faillites parentales et sociétales est un emblème.
Un enfant universel, l'allégorie des maltraitances. le manque d'amour à l'instar du pain moisi donné aux chiens. Il est ici ce jeune homme.
Entre l'avant et l'après, le choc de son geste fatal (peut-être) qui fera de lui de nouveau ce qu'il n'est pas. 
La narration vertigineuse est la posture de la grandeur.
Le charme stylistique pénètre jusqu'à la moindre virgule.
Tant elle ouvre dans l'évidence d'un être rimbaldien, censuré par les incompréhensions.
On pleure ici, tant le miracle de l'amour est le néant.
Le rival : « Il lui arrive de bafouiller et de se mettre à rougir.
Rougissant il bafouille davantage.
Et puis quelquefois
comme s'il était 
touché par la grâce
il déploie ses ailes
et s'élève
même si ça ne me va pas vraiment de dire ça. »
Il sait tout de la sauvagerie humaine.
Absolu, merveilleux d'intelligence et de haute magnanimité.
Pétri d'attaches rimbaldiennes.
Un livre d'une grande force sentimentale et inestimable.
Publié par les majeures Éditions Lunatique.

(mille mercis pour cette lecture pénétrante et sensible !)



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