Entropie
Une femme d’entre deux âges, plongée dans un épais roman au titre un peu pompeux Au temps où la Joconde parlait, est assise en face de Louison dont, à peine a-t-elle déchiffré ces mots, l’esprit vagabond s’évade de l’enfer confiné du compartiment. Rien ne le laisse deviner, ses yeux restant fixés sur la couverture du livre de poche. Louison sent qu’elle sourit, et ce qui pouvait encore passer inaperçu quelques instants plus tôt se transforme en véritable image de la jovialité.
Elle sait qu’elle va faire une bêtise – elle a l’âme potache ! Elle se penche vers la femme, toujours absorbée dans sa lecture, accroche son regard et, de sa voix atonale et rauque, lui demande :
« Ça parle du 7 février 1497 ? »
La femme la regarde plus effarée que perplexe. Elle doit vraiment avoir l’air dingue ! Et puis non, Louison décide que ce n’est pas elle qui sort des ornières sociales en adressant la parole de façon aussi abrupte à une inconnue, mais l’autre qui est trop attachée à des convenances tout compte fait rédhibitoires.
Elle répète sa question, en haussant légèrement le ton qu’elle scande. Les têtes se tournent vers elle, sa curiosité a déclenché celle des autres.
Bien sûr, elle n’a pas obtenu de réponse, elle n’en attendait pas vraiment. Son enjouement initial anticipait sur la scène. Tout de même, elle était bien contente de toute cette entropie, aussi futile fut-elle !
Est-ce cela qu’elle aurait pu jeter, le 7 février 1497, dans le Bûcher des Vanités ?
pp. 43-44
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