Paul Plaque, « seul, triste, et sans chat » nous fait part de son chat-grin.
13.
Aujourd’hui, en relisant ce qui précède, tu as du mal à comprendre comment tu as pu ne pas voir que tous les ingrédients du drame étaient réunis. Mais il est vrai que, a posteriori, tout est prévisible, on appelle cela l’Histoire.
Or, cette fois, le drame se noue, c’est incontestable, le prélude est terminé, on entre dans le vif de l’action, ça balance, ouh, comme ça donne les frissons, disons même les choukoutounes. Baste, lâchons le morceau : il est trois heures du matin, on frappe à ta porte.
Prudent, tu t’étais endormi tout habillé. Laisser ta porte à moitié ouverte pouvait entraîner des interventions de voisins, curieux sinon suspicieux, voire agacés par l’incongruité du phénomène.
Donc, tu allumes, tu te lèves, tu descends, et tu trouves l’un de tes voisins de palier (l’avantage de ton studio : t’entourer de nombreux voisins de palier, ce qui est plus rare quand on possède un deux cents mètres carrés), derrière lequel se tient une charmante jeune fille, qui te tend avec un grand sourire la chatte blanche aux pattes tigrées, et t’annonce : j’ai trouvé votre chat.
Tu rectifies : vous êtes bien aimable, mais ce n’est pas mon chat, d’ailleurs, c’est une chatte.
Il rétorque : ah, vous voyez, vous le connaissez.
Tu rectifies : la connaissez. Puisque c’est une chatte.
Il rétorque : bref, voilà votre chat. Enfin, votre chatte.
Tu rectifies : merci beaucoup de votre attention, mais ce n’est pas mon chat, comme j’ai eu l’honneur de. Ni ma chatte. Je l’ai juste trouvée devant chez moi en rentrant, et je l’ai accueillie le temps que ses maîtres reviennent. Vous ne voulez pas la garder ?
Il rétorque : ben, non, moi j’ai déjà un chartreux, et puis ce que j’en dis, c’est pour vous.
Pour éviter de te brouiller avec lui – c’est déjà si rare de parler avec des gens, qui plus est des voisins –, et peut-être parce qu’il est tard et tôt à la fois, tu lui prends la chatte des bras, et tu dis : merci.
Il répond : y a pas de quoi. Et il rentre chez lui.
Tu l’entends murmurer à la fille : t’as vu, c’est dingue, il ne voulait même pas récupérer son chat !
Sa chatte, rectifies-tu mentalement et à haute voix.
La porte de l’appartement voisin s’ouvre et se ferme.
Tu te retrouves seul avec une chatte dans tes bras. Une chatte qui n’a pas l’intention de rester dans tes bras. Quand tu la vois sortir ses griffes et gigoter, tu la laisses tomber à terre. Elle réinspecte ton studio, puis repart. Là, sentant poindre les ennuis, tu ne fais ni une ni deux ni trois, car tu n’as pas l’intention de faire étalage de tes connaissances numériques. Blang, tu fermes la porte derrière l’animal, et tu retournes te coucher.
Seul, triste, et sans chat.
Ni chatte.
Bien.
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