Quand
et à quelle occasion les éditions Lunatique ont-elles été
fondées ?
Dans
les toutes dernières heures de l’année 2010, et pourtant ce
projet ne s’inscrivait pas dans la série des bonnes résolutions
qu’on prend sans jamais les tenir : la preuve ! Lunatique
existe bel et bien ! L’idée a surgi comme ça d’on ne sait
où : « Ça te plairait une maison d’édition ? »
Ça ressemblait à un cadeau, c’était difficile de refuser. J’ai
répondu : « Oui, mais on fait ça ensemble. » Et
nous nous sommes tout de suite mis à discuter de notre manière de
voir les choses. Qu’attendions-nous d’une maison d’édition ?
Quelle serait notre marque de fabrique ? Qu’offrirait
Lunatique aux auteurs ?
Cette
idée folle de mettre sur pied une maison d’édition a dû faire
son chemin pour prendre doucement place et s’imposer à nous non
comme une lubie mais comme un projet tout à fait à notre portée.
Nous avions chacun des aptitudes complémentaires qui nous assuraient
aussi de ne pas nous lancer droit dans le mur. Nous ne sommes
peut-être pas des éditeurs orthodoxes, je ne sais pas. Difficile à
dire. Nous faisons les choses comme nous les sentons, par conviction
et par plaisir. Et au rythme de 14 à 17 heures quotidiennes
consacrées à Lunatique, mieux vaut s’amuser dans ce que l’on
fait, sinon on court à la catastrophe ! Il y a des bonnes et
des moins bonnes surprises. On apprend un petit peu tous les jours.
Et ça aussi, c’est passionnant.
Pourquoi ce nom ?
Parce
qu’il claque ! Et puis, il ouvre à tout plein d’images
inquiétantes. Lunatique, c’est la folie maladive, la déviance, le
fantasque et les caprices. On peut tout se permettre quand on est
lunatique !
Comment s’organise la maison d’édition ?
Nous
sommes deux. Jean-François a la lourde charge du design des
couvertures, et ça nous réussit plutôt bien ! Il lit des
manuscrits, s’occupe un peu de relationnel et surtout gronde quand
quelque chose ne va pas (relance des libraires quand les paiements
tardent à venir jusqu’à notre caisse, ou remise à sa place d’un
auteur qui nous considère comme de simples financiers – autrement
dit qui agit comme s’il s’était autoédité...). Pour ma part, je
m’occupe du reste : réception des manuscrits, lecture,
correction, gestion du site, du blog, des commandes et du stock,
contact avec les auteurs, les librairies, les partenaires, les médias
et autres.
Combien de temps prend la genèse d’un livre ?
Des
mois et des mois ! C’est très variable eu égard au travail à
faire sur le texte. Cela peut aller à un mois et demi à huit mois,
quand il s’agit de réécriture. Mais pendant tout ce temps, le
dialogue reste ouvert avec l’auteur.
Comment choisissez-vous vos papiers ?
Avec
beaucoup de soin. Notre idée est quand même d’éditer de beaux
objets (en plus de bons textes conformes à notre esprit). Nous avons
donc trituré des feuilles et des feuilles avant de nous décider.
Notre imprimeur le commande tout exprès pour nous.
Il est un point remarquable, c’est l’importance que vous attribuez à l’illustration. Pourquoi ?
Quand
vous allez dans une librairie, vous avez l’impression que toutes
les couvertures se ressemblent. Elles sont faites sur le même
modèle, sans grande originalité. Elles répondent à une charte
graphique un peu trop conventionnelle à notre goût. Nous avons
toujours souhaité faire de nos livres de beaux objets. La conception
graphique s’inscrit pour nous dans la même veine que le choix de
beaux matériaux. Il n’y a pas deux couvertures Lunatique qui se
ressemblent, elles sont conçues et réalisées après une lecture
attentive du texte, pour y coller, l’identifier, le résumer, sans
pour autant le dévoiler.
Notre
approche du travail éditorial reste artisanale. Nous refusons la
production en série. Et chacun de nos livres, tant par le ton, le
sujet ou sa présentation, est unique. Notre ligne éditoriale doit
ressembler à ce jeu qui consiste à relier des points dispersés sur
une feuille. Ce n’est qu’au fur et à mesure de la progression du
trait que se devine le dess(e)in.
Comment sont nées les différentes collections ?
Nous
n’avons créé qu’une collection pour l’instant :
36e
Deux Sous, pour les
nouvelles seules. Les autres ouvrages, romans ou recueils, sont
simplement estampillés Lunatique. Ce ne sont pas les idées qui
manquent, mais... tout prend un temps fou à mettre en place.
Combien de livres publiez-vous par an ?
En
un an, nous avons édité 13 livres : 7 romans, 3 recueils de
nouvelles, et 3 nouvelles seules. Un gros travail pour nous qui ne
sommes que deux. Nous voulions faire fort pour une première année,
et je ne pense pas que nous maintiendrons le rythme pour celles à
venir. Déjà, il nous faut trouver la matière première... de bons textes !
Sur quels critères les choisissez-vous ?
D’abord,
il y a des genres spécifiques qui ne nous intéressent pas. Bien que
nous le clamions à longueur de temps : pas de poésie, de SF,
d’heroic fantasy, de polar, d’autofiction, de biographie ou de
littérature jeunesse, cela ne nous évite pas pour autant de
recevoir des manuscrits de ce type. Ensuite, le premier critère
évident est la qualité d’écriture, bien que nous ayons pris le
risque d’en publier qui nécessitaient une réécriture quasi
intégrale. Il faut également que l’histoire nous intéresse, que
l’intrigue soit bien menée. Enfin, j’imagine qu’il en va de
même pour tout éditeur exigeant.
Quels
sont les titres dont vous êtes la plus fière ? Ceux qui ont
remporté un grand succès ? Ceux dont vous attendiez plus ?
À
partir du moment où l’on passe des mois et des mois à mettre au
monde un livre, on en est de toute façon fier. Rien n’est
comparable à l’émotion de l’ouverture des cartons à la
réception des livres en provenance de l‘imprimeur. Il est vrai
cependant que l’on n’a pas les mêmes satisfactions en fonction
des titres. Ne serait-ce qu’en tant que lecteur, position que même
un éditeur ne peut ignorer. Bien sûr que les émotions président
au choix d’un manuscrit ! Ce serait idiot de l’ignorer pour
ne voir dans les textes reçus que de potentiels succès. Je l’ai
dit et redit : nous fonctionnons au coup de cœur. Nous ne
sélectionnons pas les manuscrits avec en tête l’idée de faire du
chiffre, mais parce qu’ils nous ont séduits et que nous souhaitons
partager notre plaisir et nos enthousiasme de lecteur avec le plus
grand nombre.
Quels sont les livres qui ont particulièrement marqué l’histoire de votre maison d’édition ?
Sans conteste Mailles à l’envers de Marlene Tissot. C’est le premier manuscrit que nous avons reçu, la maison était en cours d’édification (statuts, inscription au registre du commerce...) et ce fut un vrai choc pour nous. C’était exactement ce que nous voulions pour Lunatique ! Ce n’est pourtant pas le premier livre que nous édité, puisqu’il s’agit de La Véritable Histoire de la mienne de Philippe Guyral et, croyez-moi, travailler sur le texte d’un auteur mort est éminemment émouvant. Il y a aussi la nouvelle qui inaugure la collection 36e Deux Sous : le poignant Que le sable m’emporte de Mael Le Guennec. Dans les romans suivants, je choisirais Filles perdues de Stan de Marillac, qui, sous des dehors anodins, est un recueil « assassin », tranchant net et sans bavures.
De quel livre auriez-vous souhaité être les éditeurs ? Anna et Mister God de Fynn. Ou Le Tournant de Klaus Mann. Ou La Matrice de T.E. Lawrence. Ou René Leys de Victor Segalen. Ah ! Zut ! C’est une question piège ou quoi ?!!
Drapeau blanc :))))Merci de cette passionnante présentation concernant les Lunatiques ;) Quand j'ai ouvert mon enveloppe hier et que j'ai trouvé vos 3 livres, j'ai eu un bond au coeur. Je n'avais encore rien lu mais il y avait dans les couvertures ce plaisir et ce mystère que peut éprouver un lecteur qui a super faim lorsqu'il s'est acheté une jolie pépite. Recouvertes de beaux mots. Je vous souhaite une bonne continuation et surtout bonne chance. Vous le méritez. On vous sent sérieux et décidément j'ai du flair. Je tombe sur peu de daubes écrites et vous m'avez conquis sans avoir encore lu vos principales recommandations :))) Je promets de vous suivre. Fidèlement. De loin from Deutschland. Bonne route les Lunatiques. Je vous prédis un avenir à la Dilettante ;) Oui, chuis voyante souvent :)))
RépondreSupprimerRaaah ! Fidèle Sabibine ! "Dilettantes", voilà qui nous va comme un gant de boxe ! Et ça tombe bien, nous aimons les textes qui cognent ! Merci-merci pour ce bel enthousiasme qui récompense tant d'heures d'obscur labeur.
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