Paris, romans (Luna)tique


Danse avec Jésus, de Jérémie Lefebvre : Entre essai et roman, le livre présente une famille sur trois générations, chacun de ses membres vivant la religion à sa façon : Jean Sauveur, heureux paroissien dans un village touristique ; son fils, Christian, psychanalyste à Paris, où il circule à vélo, du Flunch de la rue Rambuteau au parvis de Notre-Dame ; sa petite-fille, Marie, lycéenne sans références chrétiennes.
Danse avec Jésus cherche une troisième voie – en forme d’école buissonnière – entre les sentiments viscéraux d’allégeance et de refus qu’inspire le monde religieux. Les positions les plus radicales y sont montrées de l’intérieur, les stéréotypes tour à tour flattés et disqualifiés, et le lecteur emmené en voyage dans le fond des consciences, promené entre Paris et la campagne en été, invité à rire – et à trembler – devant Dieu et son absence, l’envie et la terreur d’exister.


Funambules, de Julia Germillon : Portés par cette musique d’un genre nouveau qu’ils écoutent au walkman à longueur de journée, les héros de Funambules parcourent les rues des quartiers nord de Paris, qui à la recherche d’un « endroit à lui », qui en quête de vérité, qui pour fuir les cauchemars du passé. Leurs chemins vont se croiser et leurs destins se mêler pour sceller d’improbables amitiés sous le regard malicieux de l’irrésistible Mimi.
Faisant la part belle à Paris et aux personnages secondaires, Funambules fait écho à ces grands récits d’apprentissage du XIXe siècle, où les héros, confrontés à la dure réalité, refusent de se laisser abattre et avancent vaille que vaille en s’interrogeant sur le sens de la vie, de leur vie.


L'Homme qui n'avait pas de chat, de Bertrand Ferrier : « Paris est au cœur de ce roman. Le personnage est typique de Paris, ville qui regorge de fausses concierges. La géographie est parisienne, qu’elle soit objective (le personnage se promène sur les quais…) ou subjective (je pense à la géographie que l’on se crée à Paris, c’est-à-dire l’idée qu’en bas de chez soi il y a des commerces ouverts à toute heure…). Et puis  le chat… le chat est très parisien. L’idée du chat à Paris est celle de la liberté. Celle d’avoir, malgré l’espace réduit et le rythme de la ville, un animal chez soi mais l’idée aussi de ne pas être esclave puisque, si l’on veut partir deux jours, on peut le faire. Avec un chien, c’est plus compliqué. Avec un pingouin aussi, mais bon, fallait s’y attendre. » (Propos recueillis par Paris à l'Air Livre).
L'Homme qui n'avait pas de chat, c’est peut-être aussi et avant tout un fabuleux exercice de style, où facéties lexicales et hardiesse grammaticale surprennent et divertissent autant que les péripéties du héros.
Un roman singulier, donc, intelligent, et aux indéniables vertus récréatives.


MauvaisPotage, d'Élodie Da Silva : Recueil de nouvelles avec pour toile de fond Paris : excursions noctambules, foule grondante et anonyme de la Gare du Nord, indifférence confinée du métro.
« Mauvais potage », c’est le brouet ordinaire, l’insipide soupe des jours maigres ; l’allégorie de la banalité. Et pourtant... Et pourtant, Élodie Da Silva brosse à grands traits, de son écriture ingénue, oscillant avec légèreté entre spontanéité et poésie, des destins sortant des ornières où le regard morne et désintéressé des passants les aurait confinés. Car il faut être sensible pour déceler les fêlures de ces personnages quelconques et en faire les émouvants héros d’un quotidien auquel personne n’échappe.
Celle qui parle si bien des paumés a assurément trouvé sa place en littérature.



Filles perdues, de Stan de Marillac : Sans pour autant se connaître, les filles de Stan de Marillac se croisent dans les rues de Paris, aiment à traverser la ville en bus, rêvasser dans les parcs ou observer les autres dans le métro. Un recueil d'histoires courtes comme autant de petits drapeaux plantés sur le plan de la ville.
Trois p’tits mots et puis s’en vont, ces filles surgissent tour à tour au fil des pages, se succèdent avant de disparaître, laissant dans leur sillage, comme des étoiles filantes, la trace infinie et fulgurante de cette humanité dont elles parent leur univers.
Et le lecteur, levant le nez des pages de ce petit livre, ne regardera plus jamais le monde de la même manière, guettant, au détour d’une rue, sur le quai du métro ou, perdue dans ses pensées, une de ces filles au sourire lointain mais au regard affûté, prête à rire de tout, de rien, ingénue et délurée, pour un instant de bonheur à l’incomparable saveur.

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