Requin blanc

Ce recueil, plus précisément cette suite de rough textuels, pourrait s’apparenter au domaine photographique. Dans ce cas, il s’agirait plutôt de polaroids, exécutés sans lyrisme, experts, pertinents jusqu’au malaise. Ici, ni haine ni empathie. En fait, les règles de Stan de Marillac, on ne les devine pas aisément. Au fil des portraits de ses Filles perdues naît un trouble. Un trouble plus qu’une inquiétude. On s’habitue vite à ce qu’aucune d’elles n’en réchappe. On en jouit même. Non, le trouble ne vient pas du sort comique ou malheureux qui est fait à ces filles, mais bien du ressort profond qui anime l’auteur quand elle croque ses infortunées. Mais quelles sont ses règles ?! Quel est donc ce drôle de petit Zadig enjuponné venu observer ses congénères filles ? Sont-ce vraiment ses congénères, d’ailleurs ? Il faut en douter sérieusement.


Stan de Marillac semble mue par des ressorts inhabituels. Je parlais de règles. Et si, justement, il n’y avait pas de règle ? Et si ses portraits n’étaient servis uniquement que par un grand don, par un cerveau sans règles connues. Pire, sans règles tout court. À la manière des grands requins blancs. Efficaces. Neutres. Effroyables. Ce malaise distillé au gré des instantanés ne se dissipe jamais et contribue à faire de ce recueil un livre à part, moderne, loin de la glu habituelle des sentiments.
Au début, ce pourrait un voile de mousseline, un souffle qui l’entoure. La fille dont c’est maintenant l’heure est effleurée par Stan de Marillac. Elle peut encore vaquer à sa médiocrité quotidienne. La fille ne se méfie pas. L’instant d’après, sa gorge est ouverte. De part en part. La parade était futile. D’ailleurs, il n’y en a pas eu. Trop fulgurant. Déjà le sang pulse à gros bouillons. Son œil devient rapidement vitreux. Ridicule ! L’auteur et nous-mêmes sommes déjà sur un autre contrat. Nous quittons sa page sans regret. Nous avançons goulument vers l’autre page, celle de « l’autre fille », celle qui ne nous attendra pas non plus...

Il n’existe pas de deuxième prise avec cet auteur.

JFD

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