Dans l'interview accordée à Lire sous les Halles, Stan de Marillac lâche le mot d'« Aspie » avec pour seule explication un renvoi en bas de page :
Alors ???
Explication de l'auteur :
Filles perdues n’est pas une confession-vérité, ce serait plutôt une sorte de guide pour qui n’est pas Aspie. Je trouve agaçant de devoir sans cesse me justifier, m’excuser d’être qui je suis et, pour cette raison, mon éditeur et moi avons décidé de sortir le livre sans rien dire de mon trouble (TED : trouble envahissant du développement), pour voir si les reproches qui me sont adressés dans la vie se réitéreraient ici. Eh bien, absolument pas ! Voilà qui donne à penser...
D’autant que presque toutes ces histoires se terminent par un point d’interrogation. Au lecteur de réfléchir et de trouver les réponses à mes questions. Ça n’a l’air de rien, mais peut-être est-ce là tout l’intérêt de Filles perdues : comment mon regard d’Aspie – donc décrété anormal – fait paraître tordu ce qu’il est convenu de considérer comme ordinaire.
Le
choix d’écrire des nouvelles dépend avant tout du ou des sujets
abordés. Pour Filles perdues s’est d’emblée imposée
l’idée d’un catalogue à feuilleter, inventaire de mille et une
situations, classées en chapitres : « dans le métro »,
dans leur assiette », « dans leurs pensées »,
etc., qui pour le commun semblent tout à fait ordinaires mais ne le
seront jamais pour un Aspie. On parle, pour les personnes touchées
par le syndrome d’Asperger, de « cécité sociétale » ;
d’où la série de défis que représente le quotidien.
Personnellement, je tente toujours de me justifier en arguant que ce
qui relève naturellement de l’acquis chez les autres me demande de
puiser, avec plus ou moins de bonheur, dans l’appris. Si je ne veux
pas me faire repérer, ne pas attirer l’attention et rester
tranquille, je dois faire des efforts de concentration pour accomplir
des actes qui ne me sont en rien naturels. Je suis en permanence dans
le contrôle, avec tout de même un regard critique sur ce que je
fais, sinon je ne serais pas moi-même. Du coup, j’accuse souvent
un retard dans ce qui devrait être spontané, presque réflexe. Je
dois sans cesse me projeter hors de moi pour penser « autrement »...
et faire comme tout le monde ! Au moindre relâchement, je sais
que je me ferai repérer pour « bizarrerie ».
Filles perdues s’est nourri d’observations. J’ai toujours rempli
des calepins de bouts de phrases qui me passent par la tête,
d’images dont je n’arrive pas autrement à me défaire. Ces notes
me sont nécessaires pour revenir sur tout ce que je ne comprends pas
d’emblée et me turlupine, forcément. Je fais l’effort d’aller
vers les autres, de tenter de percer le mystère de leurs paroles, de
leurs attitudes, pour mieux les imiter et m’intégrer. C’est à
partir de ces notes que j’ai conçu la galerie de portraits qu’est
le recueil Filles perdues. Pour
l’anecdote, dans sa première mouture, les filles ne portaient pas
de nom, toutes se confondaient dans un « elle »
indifférencié. J’ai finalement opté pour une kyrielle de prénoms
de manière à les distinguer les unes des autres et surtout à ce
que ce « elle » ne soit pas pris pour un ersatz d’un
« je » inavoué. Je ne raconte pas ma vie, je m’en
inspire. Je transforme la réalité en fiction.
Quoi qu’il en soit, je ne souhaitais en aucune façon dramatiser ces historiettes. Bien au contraire, introduire de l’humour était essentiel pour appuyer les mises en situation. Je me suis beaucoup amusée à écrire ce recueil, brouillant les pistes et forçant parfois le trait ; et les personnes qui le lisent, averties ou non de mon intention, rient également. Surtout, elles admirent ces « filles perdues » et s’en réclament parce qu’elles sont avant tout des « filles libres ».
Tout est dit...
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