Changement de registre mais pas de style pour Nadine Janssens, avec cette nouvelle histoire marmonnée tranchée dans le vif.
Sans
toit
Le
type fait peur, avec son allure de caïd et son regard souligné
d’ombre – celle de sa casquette. Les lèvres et les joues :
charnues et brunes. Singlet kaki et pantalon sombre, il arbore des
hanches plus larges que ses épaules, tout en rondeurs, et des fesses
rebondies. Un anneau brille entre ses deux narines. Loubard coule
vers les voyageurs en attente une paupière bordée de cils, longs,
épais, noirs ; les effleure d’un œil farouche. Loubard
s’approche, cigarette au bec, en quête d’une allumette.
Quelqu’un lui en offre une pochette entière. À l’abri des
volutes, Loubard s’abandonne à son histoire.
Un
mètre nonante et fort comme un bar-tabac, Loubard a conservé, de sa
vie antérieure, le foulard bandana, les anneaux un peu partout et
l’enfant. Celui qu’il a fait sans même s’en rendre compte,
juste en se déchargeant la bite une nuit de beuverie, un peu comme
quand on pisse contre un mur. Elle était là, toute petite, à lui
demander du feu en remuant du popotin. Il lui a attrapé un de ses
seins parce qu’il n’arrêtait pas de rebondir, on aurait dit une
balle magique ; elle a couiné comme une grenouille. Alors, pour la
faire taire, il l’a bâillonnée d’une main, tandis que, de
l’autre, il tentait de se rattraper. Peine perdue. Ils sont tombés
entre deux voitures. Sa jupe s’était relevée toute seule, il le
jure. A-t-il cru qu’elle était « consentante » ?
S’est
même pas posé la question ; trop bourré. Bref, il l’a – ce
sont les termes du juge, les siens aussi, à elle – violée.
pp.
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