« Je préfère cette vie que je m’invente, cette vie qui ne pourra être que débordante, à toute autre vie, si longue soit-elle. »


C'est à Laval que Lunatique a rencontré Violaine Bérot. Elle nous offre alors de rééditer Tout pour Titou (Zulma, 2000), petit bijou « d'amour noir » et, dans la foulée, nous propose le très beau et lumineux Pas moins que lui. Avant de retourner dans sa montagne, elle a ce geste, sublime, d'un dernier cadeau : ce sera Jehanne, son tout premier roman (Denoël, 1995).
Jehanne est le premier roman de Violaine. Vingt ans plus tard, il n’a rien perdu de sa fraîcheur.
Rebelle et amoureuse, la Pucelle d’Orléans devra livrer ici la plus difficile des batailles, contre son statut d’icône, envoyée d’un dieu qui la retient d’être femme parmi les hommes.


Mon plan est simple. Complètement démesuré. Totalement insensé. Mais simple. Il faudra toujours que je l’expose dans les mêmes termes, ceux que j’ai testés sur l’oncle Lascar.
J’avais treize ans. C’était dans le jardin de mon père, en été, en plein midi. Il y a eu une voix. Et en même temps une immense clarté. « Dieu t’ordonne de lever le siège d’Orléans et de conduire le roi à Reims pour son sacre ».
C’est simple. J’ai deux engagements, soi-disant divins, à respecter. Ce sont des engagements énormes. J’aime ce qui est au-delà du possible.
C’est un pari fou que je me lance à moi-même : quoi qu’il advienne, même au risque de ma vie, je me dois de suivre aveuglément ce chemin que je me suis tracé, ce chemin que les autres doivent à jamais croire celui de Dieu.
Je sais déjà, je suis persuadée que ce chemin, sans doute très vite, me conduira à la mort. Je préfère cette vie que je m’invente, cette vie qui ne pourra être que débordante, à toute autre vie, si longue soit-elle.
p. 19

Commentaires