« Le
désir de devenir poisson l’effleura. Il l’avait déjà
expérimenté en nageant, sans en tirer aucun profit. Mais ici le
manque d’eau rendait plus tangible la rugosité de ses écailles et
la viscosité de son ventre. Ses hanches, ses cuisses, son sexe
glissaient sous ses doigts. Il avait perdu la représentation de ce
que pouvaient constituer ensemble une tête, un tronc et quatre
membres. Il était une mécanique déglinguée, désassemblée. On
n’avait pas su l’accorder. On n’avait pas su le langer. On
n’avait pas su le choyer, le bercer, le protéger du chaud et du
froid, des lumières aveuglantes et des cris, des coups. Il se
retrouvait tout gluant de sang, coulant de glaires et de pisse. Il
avait encore dû chier sous lui. L’eau ne le lavait plus. Elle se
contentait d’huiler les rouages en anesthésiant la douleur.
Soudain, elle cessa de se répandre et il sentit le froid. »
pp.
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