« Ils
sont trois. Ils sont silencieux. Ils me parlent dans ma tête. Ce
sont mes seuls amis. Mes objets intérieurs.
Bistouri.
C’est lui qui tranche, quand je sais pas choisir. Il est petit et
pointu. Il ne revient jamais en arrière.
Pomme.
C’est elle qui bouffe, quand j’ai pas faim. Elle est ronde et
molle. Elle doute toujours.
Verlan.
C’est lui qui me montre qui je suis. Petit miroir de poche, il ne
ment jamais. »
°°°°° °°°°° °°°°° °°°°° °°°°°
« Le
mercredi, j’aime bien regarder Papa. Enfin, pas lui, ses bêtes.
Enfin, pas les bêtes, leurs cages. Celle que je préfère, c’est
celle du hamster. Alors il m’en a offert une, de cage. Le problème,
c’est qu’il m’a filé un hamster avec. Je suis emmerdé.
J’hésite. Puis je tranche. Bistouri
s’en charge. Verlan
est choqué. Pomme
s’en fout. Mes vieux ne captent rien. Je fais la tristesse. Je
m’entraîne avec Verlan.
Je fais bien la tristesse. Alors mes parents acceptent. J’ai le
droit de la garder, la cage. Je suis content. Même si je rentre pas
dedans. »
Phare intérieur
a
été lu une fois en public à l’occasion d’une soirée privée,
dans un clapier à lapin d’une dimension de 65 cm x 80 cm x 95 cm.
Ce texte n’était pas destiné à être publié mais à être joué,
et cela s’entend dans les mots simples — des mots d’enfant,
tambourinés plus que répétés — et les phrases courtes,
cinglantes et implacables qui bourrèlent le lecteur jusqu’au K.-O.
final.
Un
texte coup de poing, donc, qui marque durablement l’esprit du
lecteur.
Il
nous l’a déjà prouvé avec Fred Loram,
Thierry Moral
cultive l’art de l’efficacité. Foin d’envolées stylistiques,
de métaphores enjôleuses : économie, précision, finesse sont ses
armes pour manipuler le lecteur. Il ne peut s’empêcher non plus
d’insuffler parfois une pointe d’humour à la noirceur ou la
folie, pour mieux faire douter le lecteur de ce qu’il lit... avec
délectation.
Phare intérieur n’est
pas cependant un récit horrifique. C’est ni plus ni moins
l’histoire d’un enfant avec un rêve, celui de devenir gardien de
phare, parce que «
on est très haut, on est très seul. On ne fait rien, on a l’infini
devant soi ». Un
idéal comme un autre — après tout, tout le monde le dit : «
L’enfer, c’est les autres » —, que cet enfant se montre
déterminé à atteindre, quoi qu’il en coûte. Pour cela, il se
fait aider de trois amis, Bistouri, Verlan et Pomme, instruments
fantasques de son émancipation.
Monstrueux,
cet enfant ? Ou fascinant ? À chacun de trouver la réponse qui
l’apaise... en son for intérieur.
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