« L’auteur s’attaque à un mythe universel : Sophie. »

« Non, ce n’est pas un ado rebelle qui rumine au plus haut de sa crise mais bien un fœtus, dont la verve ne nous laisse pas indifférent et nous amuse, sûrement. Et quelle verve ! Une confession sans relâche, pas de temps mort, pas de repos. En cause, un monologue sans interruption, un débit de parole maîtrisé par le rythme des virgules afin de donner l’impression de souffler mais pas trop (surtout pas !) parce qu’il a bien l’intention de tout dire avant de se pointer. Et la liste est longue, rien ne lui échappe.
Pour l’auteur, la voix du fœtus est une aubaine, la parole est libre et le genre de personnage, à ma connaissance, assez peu conventionnel. Il faut dire qu’on se demande bien où il va nous emmener et honnêtement, la maternité, les nouveau-nés ce n’était pas mon univers. Pour autant, l’approche, somme toute originale, a fini par piquer ma curiosité.
Dès les premières lignes, j’étais séduite. On débarque de but en blanc dans son univers, on capte sa pensée. Ça tient en haleine, ça se lit d’une traite. Le ton est donné, le style nous emporte, on se demande jusqu’où il ira dans ses diatribes. L’accroche par la girafe est à mourir de rire. L’auteur s’attaque à un mythe universel : Sophie. Là encore, c’est concis, il n’en fait pas des tonnes, quelques phrases, perdues dans le flot des pensées, mais efficaces comme toutes les anecdotes passées au crible du fœtus. Il fait mouche, au sens qu’il touche directement le lecteur, c’est un rusé qui ne s’encombre pas de longs phrasés mais qui jubile à mettre en exergue une foule de détails qui dépeignent assez justement, et avec humour, la mécanique humaine.

Mais, pendant ce temps où la parole est donnée, le lecteur prend tout en bloc et pas que pour rire quand on s’y penche d’un peu plus près. Sous couvert de divertissement, car il faut avouer que c’est très drôle, la satire se cache à peine. Caustique le fœtus ? indéniablement. Il ne faudrait surtout pas le prendre pour un innocent, on ne lui fera pas avaler des couleuvres. Tous les pièges dans lesquels on doit se jurer de ne pas tomber quand on est un jeune idéaliste doivent s’effacer de notre mémoire à l’âge adulte et pire encore quand une naissance se profile. Il est là pour le rappeler.
Tout cela est flagrant dans le portrait sans concession des parents qui vire à la caricature mais qui au fond est tellement vrai car la grossesse amplifie certaines obsessions et traits de caractères. J’ai repensé à toutes les conversations avec des amies qui attendaient leur premier enfant avec les phases sur la recherche du prénom, la gym (car il faut s’entretenir), la première écho (elle n'arrive pas à distinguer le foetus sur la photo), le régime alimentaire, la liste de naissance entre autres. Si la mère en prend largement pour son grade, le père, ce « plouc » n’est pas en reste, il fait payer cher… ses honoraires. Et puis le couple, la réussite, le boulot, la maison sont autant de situations qui permettent une critique non dissimulée du diktat social, à la fois important et ridicule, nécessaire ou absurde selon les objectifs qu'on se fixe (ou pas), et, même si ces exigences sont risibles, elles sont toutefois incontournables.
L’oreille aiguisée du foetus ne manque donc pas de percevoir tous ces travers qui, même s’ils nous font rire, nous renvoient à notre propre condition, pas toujours très glorieuse. Ainsi, le regard du foetus sur ce monde qu'il ne distingue pas encore me paraît assez juste. Il est le spectateur de l'intérieur, personne ne le voit, il ne voit rien mais il ressent tout, intensément, et ne se prive pas de commentaires jusqu’au moment où il fera moins le malin… »
Nathalie, libraire

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