« La
buée de nos rêves solitaires. On a ce sourire insensé du
désespoir. Cette petite lueur qui fait peur dans le regard. Les
extrémités sont couvertes de ridules qu’on ausculte avec une
curiosité de médecin. On touche, on palpe, on
insiste. Il est déjà tard. Le temps a métamorphosé les matières,
rattrapé les fuyards. On cherche la possibilité d’une baignoire.
Peut-être parce qu’une île c’est un peu grand. Ou parce que
c’est amusant, d’appeler baignoire un objet blanc. On tire la
petite chaîne du bouchon videur en caoutchouc, et on fixe le
mouvement du siphon. Il fait presque froid. Pas encore. Les mirages
des possibles ne sont pas tout à fait partis. Il y a Henri. Et il y
a Lucie. Ils tournent en rond. Séquestrés. Désagrégés dans un
processus accéléré. Ils glissent hors du monde. Ce n’est plus
qu’une question de secondes. Il dit : « À propos, Lucie, je
t’aimais. Je te le dis à présent parce que ça n’a plus
d’importance. » La mousse qui flottait encore en surface commence à entrer dans la
danse. Une java bleue comme les lèvres. Silence. »
p.
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D’autres extraits de De l’amour, de Séverine Capeille, sont à cueillir sur le site.
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