« Les mains sur les hanches il s’avança vers les rayonnages et regarda les livres, la tête un peu penchée, sans faire de commentaire. »
Le
boiteux
Estéban
retrouva ses facultés lorsque la voiture pénétra dans le jardin de
sa villa. Le crissement des pneus sur le gravillon sonna comme un
réveil. Ils descendirent. L’inconnu récupéra ses affaires à
l’arrière et ils entrèrent dans la maison. Estéban alluma les
lampes et ouvrit les baies qui donnaient sur le jardin. Il aperçut
son propre reflet sur la vitre, une silhouette séduisante, oui,
peut-être. Le jeune homme posa son sac dans un coin du salon, coucha
sa pagaie, puis, d’un regard circulaire, balaya cet intérieur. Les
mains sur les hanches il s’avança vers les rayonnages et regarda
les livres, la tête un peu penchée, sans faire de commentaire.
Ensuite il traversa la pièce pour aller voir de plus près une
sculpture posée sur la desserte, un meuble verre et métal qui
valait une fortune. La sculpture représentait une femme aux formes
très pleines et à la tête minuscule. Alors, alors Estéban vit que
le jeune homme boitait. Il boitait de façon très prononcée. Il
n’avait rien remarqué, ni sur la route ni dans la cour. De nouveau
il se sentit mal, et pour tenter d’échapper au malaise il proposa
un fauteuil et alla chercher quelque chose à boire dans la cuisine.
La porte du réfrigérateur cliqueta de verre et la lumière projeta
sa lueur blafarde sur l’œil d’Estéban dont la pupille se
rétracta instantanément. Il ramena du thé glacé. L’inconnu
s’était assis sur le fauteuil italien. Il prit le verre de thé
qu’on lui tendit et s’enfonça confortablement.
pp.
19 et 20
À
lire le site, d’autres extraits du recueil de nouvelles de Gilles
Ascaso,
Violences
brèves.
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