Un parfum de souffre-douleur


CRITIQUE Sur le thème des faibles humiliés par les forts, une histoire puissante de Jérémie Lefebvre.


Il y a quelques mois, dans les colonnes des pages Rebonds (devenues Idées), Jérémie Lefebvre publiait un texte remarqué, où il demandait à quoi sert d’entourer d’amour et de soins les enfants, de la maternité au primaire, si c’est pour les jeter ensuite dans l’enfer du collège où règne la loi du plus fort. Son roman développe la même idée à travers le martyre d’un gamin qui entre en sixième, catho naïf, lecteur d’Astrapi, candidat idéal au rôle de souffre-douleur. Il vit deux années sous les mollards (un mot qu’on avait oublié), les coups, les menaces, les brimades, à se faire traiter de fille et vider le cartable dans les flaques de pluie. Garçons et filles mélangés rivalisent de méchanceté dans ce coin rural de Seine-Maritime. Lui ne trouve de consolation que dans la prière et l’amour de sa grand-mère qui l’élève (on apprend pourquoi au fil des pages).
L’enfant devenu adulte retrace le chemin de croix et une fureur vengeresse anime l’écriture : il n’a oublié aucun nom, aucune saloperie. Au fond de cette noirceur, il y a des moments très drôles, comme ce pèlerinage où prêche un gourou catho, le très réel Daniel Ange. Ni les curés ni les enseignants indifférents n’échappent à la rage de l’auteur, adultes incapables de tendre la main à ce « petit chose » sans défense. Ce que dénonce ce livre, poignant jusqu’au malaise, est une réalité, le harcèlement scolaire, vécue chaque jour par des milliers d’enfants. Jusqu’à en mourir parfois.



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