«  Comme toute personne s’installant de manière prolongée dans le célibat, j’ai hésité à prendre un chien. »

« Les persifflages et les regards en coin ont persisté une saison ou deux, sans réellement m’affecter. Je continuais à enseigner l’histoire à mes collégiens, trouvant même un certain plaisir à leur dépeindre avec fougue la retraite de Russie, version héroïque de mon naufrage marital. Lier la petite histoire à la grande, c’est une de mes marottes : ça permet de mettre des majuscules aux accidents de la vie.
À la longue, les choses sont revenues à la normale. L’air a retrouvé sa composition ordinaire : les molécules d’oxygène qui parvenaient à mes poumons n’étaient plus prémâchées par de mauvaises langues. Comme toute personne s’installant de manière prolongée dans le célibat, j’ai hésité à prendre un chien. J’ai finalement opté pour le jardinage. À défaut de voir grandir mes enfants, je me consolais à l’idée de voir pousser quelque chose qui vînt de moi, ne fût-ce qu’une botte de poireaux. Mes espoirs furent cependant déçus. La première récolte ne donna pas grand-chose, la suivante guère plus. J’avais beau y mettre tout mon cœur, le sol de mon jardin ne voulait rien rendre de bon, et je commençai à envier la terre de Mme Brillard, qui donnait naissance à d si beaux rhododendrons. »


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