Buchy
[L'histoire] Harcèlement scolaire en Seine-Maritime. Un libraire
menacé, un auteur dépité ! (article signé Isabelle VILLY)
Jérémie Lefebvre,
auteur du Collège de Buchy,
ne viendra pas dédicacer son livre comme il était prévu. Le
libraire aurait reçu des menaces.
Incompréhension,
frustration… Jérémie Lefebvre ne décolère pas depuis le
vendredi 18 septembre 2015, jour où il a appris qu’il ne pourrait
pas, comme cela était prévu, aller à la rencontre de ses lecteurs,
à Buchy, au nord de Rouen
(Seine-Maritime).
Pourquoi ? Sa présence ne serait plus souhaitée car susceptible de
créer des remous dans le petit bourg de Normandie. Le libraire, qui
devait accueillir cet événement, aurait reçu des menaces ! Motif ?
Le sujet du livre, et surtout le cadre dans lequel l’auteur a
choisi de planter le décor de son roman : il y est question de
harcèlement scolaire et Jérémie Lefebvre,
qui a puisé dans son expérience personnelle d’adolescent, a
intitulé son histoire, Le collège de Buchy.
Un sujet sensible qui aurait donc bousculé les sensibilités dans la
région et qui ont conduit à l’annulation de la séance de
dédicaces.
Des
faits de plus de 30 ans
« Le
personnage du roman se souvient du calvaire d’un enfant persécuté
au collège, et il découvre que son propre enfant est un harceleur
», décrit Jérémie Lefebvre, qui convient que son texte est
« violent » et radical. Et il assume le choix d’avoir
gardé le nom du collège : « Le harcèlement est un sujet
grave et le collège de Buchy est à considérer comme tous les
autres avec beaucoup de vigilance », note Jérémie Lefebvre, qui à
vécu cette expérience douloureuse alors qu’il était scolarisé à
Buchy. « Il s’agit d’une fiction, inspirée de faits
anciens de plus de 30 ans », insiste l’auteur.
Une
souffrance transformée en haine
Et
peut-être est-ce cela qui dérange dans la lecture de l’ouvrage :
le personnage du roman n’adopte en effet pas l’attitude d’une
victime telle qu’on pourrait l’attendre, mais il a « transformé
sa souffrance en haine, une manière de se sauver lui-même ». Il en
résulte donc un livre dur, « une forme de défoulement
», selon les mots de Jérémie Lefebvre qui a donc choqué
certains lecteurs… « Certains de ceux qui l’ont lu à Buchy
n’ont pas supporté la violence du texte. Mais je pense qu’il ne
faut pas se tromper d’ennemi, et ça me choque de ne pas pouvoir
rencontrer mes lecteurs », confie à Normandie-actu
l’auteur, né à Rouen et qui a grandi à Blainville-Crevon, non
loin de Buchy.
« C’est
fou de confisquer ce moment », regrette Jérémie Lefebvre
qui aurait aimé pouvoir se confronter avec ses détracteurs,
s’expliquer avec eux. Cela ne se fera pas… Les crispations nées
autour de l’ouvrage ne permettront pas au débat de s’ouvrir et à
l’auteur normand de lever le voile sur ses douloureuses années
collège, qu’il a exprimées avec des mots.
«
Ce n’est pas de gaieté de cœur », affirme le commerçant
Ce
n’est pas de gaieté de cœur non plus que le commerçant de Buchy,
qui devait accueillir l’auteur pour une séance de dédicaces, a
décidé d’annuler l’événement. Lui qui se dit attaché à la
liberté d’expression n’a pas voulu que des troubles puissent
naître avec la venue de Jérémie Lefebvre. Même s’il a
exprimé une réticence à s’exprimer au départ, il nous a tout de
même confié sa tristesse devant la situation.
« Des
gens sont venus l’acheter et ils voulaient des explications. Ils
trouvent que l’auteur est allé trop loin, mais ça reste un roman
», constate pour sa part le commerçant de Buchy qui assure qu’il
commandera le livre à tous les clients qui voudront l’acquérir.
Il
reste que certains lecteurs n’auront donc pas su ou voulu aller
au-delà de l’ambiguïté soulevée par le choix du lieu de
l’histoire, le collège de Buchy. Sûrement sont-ils d’ailleurs
de bonne foi dans leur manière de ressentir l’histoire et le fait
qu’elle se matérialise dans un lieu qui fait partie de leur
quotidien, mais c’est justement pour toutes ces raisons que
l’auteur aurait voulu les rencontrer, pour avoir une chance de
s’expliquer et non pas avoir la sensation de se retrouver dans la
peau du jeune adolescent qu’il était, celle d’un garçon victime
de harcèlement.
Pour
tenter de rétablir le lien avec les habitants de Buchy et des
communes alentours, Jérémie Lefebvre
a d’ailleurs adressé un
courrier au responsable du collège,
dans lequel il lui soumet l’éventualité d’une rencontre-débat
avec le personnel éducatif, autour de ce douloureux sujet du
harcèlement scolaire.
L’auteur
souhaiterait un débat au collège
« Je
regrette beaucoup cette opportunité manquée de débattre avec des
lecteurs de la région, élèves d’hier et d’aujourd’hui,
professeurs et parents, sur ce sujet difficile mais important. Il me
semble qu’une rencontre au collège, autour du livre et plus
généralement autour du sujet du harcèlement, serait l’occasion
d’une réflexion riche, forte, intéressante pour tout le monde »,
suggère ainsi l’auteur au principal du collège.
Annoncée
sur les réseaux sociaux, cette annulation a en tout cas fait déjà
réagir un élu de Blainville-Crevon, Vincent Decorde, qui se dit «
profondément déçu » et la condamne sans appel.
« On
peut aimer ou ne pas aimer un roman, chacun est libre mais chacun
doit respecter l’autre. La liberté d’expression est un socle de
notre République. De telles menaces n’ont pas leur place, ni à
Buchy, ni ailleurs. Je ne veux pas que l’obscurantisme de
quelques-uns, nuise à Buchy. Ce territoire mérite mieux. J’apporte
mon soutien à Jérémie Lefebvre et j’encourage tous les
élus républicains à dénoncer ces attaques contre la République
et rappeler la nécessité du vivre ensemble ».
article sur le site de Normandie-Actu
signé Isabelle VILLY
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