« Tout le texte, du début à la fin, est noir, sans concession, d’une âpreté et d’une cruauté rares. »
J’ai
évoqué récemment les difficultés qu’avait éprouvées Jérémie Lefebvre avec son livre Le Collège de Buchy
(éditions Lunatique). Je connaissais le contexte, pas le livre, je
l’ai lu depuis. La trame est simple, en apparence : un jeune
garçon, élevé par sa grand-mère, est brutalisé et persécuté
par les gamins du collège d’une bourgade normande, Buchy. Fervent
chrétien, il tente de répondre à la violence et aux humiliations
par le pardon. Il a du mal. La fin du livre donne sur la vie de cet
enfant et sur sa famille un éclairage particulier, qui ne fait que
rendre plus violent ce qu’il vit. Tout le texte, du début à la
fin, est noir, sans concession, d’une âpreté et d’une cruauté
rares. Je n’en donnerai que quelques extraits des toutes premières
pages, qui me semblent suffire à en faire sentir l’ambiance.
« Un
jour, je suis entré en sixième au collège de Buchy. Il s’est
alors mis à pleuvoir sans discontinuer sur toute la Seine-Maritime,
la lumière s’est figée dans un crépuscule permanent. Dieu a
disparu du ciel et le malheur s’est abattu sur moi. (…) Si
j’avais de la chance, je trouvais une banquette sale à côté d’un
animal féroce, mais en général je n’avais pas de chance, je
restais debout ou alors sur un strapontin, objet de la férocité des
collégiens animaux, et je passais tout le trajet à me demander à
quel moment lequel de ces animaux allait m’injurier ou me donner un
coup dans l’estomac pour le plaisir de me voir fondre en larmes.
(…) Et du plus profond de mon cœur je désire que tous aient
horriblement raté leur vie ensuite. Je désire le plus sincèrement
du monde qu’ils se soient tous révélés stériles à cause du
Distilbène qu’avaient pris leurs mamans, ou, si elles n’en
avaient pas pris, que les enfants qu’ils ont eus soient morts
écrasés sous leurs yeux. Je désire ardemment que ceux que le
malheur, la misère, la drogue, le cancer, le sida et le
hasard n’ont pas encore anéantis finissent bientôt leur vie
dans des galetas immondes, imbibés d’alcool, qu’ils pleurent
déjà toutes les larmes de leur corps à l’idée des merdes qu’ils
sont et ont toujours été, j’espère de tout mon cœur que pour
eux il n’y a pas de Dieu et que personne n’entend leurs cris dans
la nuit. »
Pour
le texte que j’ai cité au début (le dernier Ch. Angot), c’est
un déferlement médiatique. Pour celui que vous venez de lire, rien.
Zéro. Moi, je dis que tout est bien.
Non ?
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