Que Fœtus là, mon Oncle ?



Patriote Côte d'Azur

Tranche de vie
Après son premier roman, Journal d'un fœtus, paru en 2014, Benjamin Taïeb vient de publier, en novembre 2015, un nouvel opus, un récit intitulé Une Nuit pour mon oncle. Deux tranches de vie, l'une sur la grossesse, l'autre, sur la douleur face à un décès.

Connu des lecteurs du Patriote Côte d'Azur pour ses « chroniques judiciaires », Benjamin Taïeb était avocat avant d'opérer une reconversion dans la littérature, sa passion. Au sein des Éditions L'Amourier, mais également en tant qu'auteur, pour le théâtre, et avec ses deux derniers livres, Journal d'un fœtus et Une Nuit pour mon oncle.

Et si un fœtus, bien lové (ou pas) dans le ventre de sa mère, pouvait parler et décrire tout ce qu'il entendait, ce qu'il ressentait ? C'est ce qu'a imaginé Benjamin Taïeb dans son premier roman. Mais ce fœtus là a le verbe acerbe et la parole crue.
Et c'est de cette manière qu'il raconte avec humour son quotidien dans le ventre de sa mère : « J'ai bien dû dormir quarante heures, j'ai des courbatures, faut dire que je suis à l'étroit là dedans, pas étonnant que le nouveau-né ait besoin d'un an pour marcher, des mois les jambes pliées, c'est pas une vie j'te jure. » Mais surtout, il évoque tour à tour sa mère et son « géniteur », « qui a pas attendu [la] grossesse [de son épouse] pour prendre du bide » et « qui ronfle si fort la nuit ».
Ce fœtus livre aussi au lecteur ses réflexions mordantes sur la famille, la société, la politique... Le tout agrémenté de détails de neufs mois de grossesse : toxoplasmose, respiration, échographie, liste de naissance, couleur de la chambre de bébé... Rien n'échappe à la critique mordante de ce fœtus, drôle et attachant.

Thème beaucoup moins léger dans ce récit intimiste, celui du suicide d'un proche. Une nuit comme les autres, peut-être plus calme que d'autres, le narrateur éprouve le besoin de mettre des mots sur sa douleur, sa colère, son incompréhension : « Il faut évacuer pas pour lui pour moi. » « Faire son deuil », en définitive, selon cette expression si froide mais tellement indispensable.
Mettre des mots sur une feuille pour se souvenir d'un rire, d'un moment, même futile. Comprendre le cheminement d'un homme vers ce geste fatal. Évacuer la colère. Poser des mots sur le papier pour dire son amour à un oncle, « la crème des crèmes »...


Dans ces deux livres, l'auteur utilise le même style narratif, à la première personne du singulier, immergeant totalement le lecteur dans ces deux courts récits. Le recours à un style utilisant peu de ponctuation, qui peut surprendre à la lecture des premières phrases, fonctionne parfaitement dans les deux cas. Il accentue ainsi la pensée non-structurée d'un fœtus qui livre ses pensées comme elles viennent. Il souligne aussi le besoin du narrateur d'évacuer ses sentiments, au fur et à mesure que la nuit avance, de la même manière, comme ils viennent.
Benjamin Taïeb signe là deux livres touchants, chacun à sa manière, remplis d'humanité et de tendresse.
P. Prenant


À noter que Benjamin sera en dédicace à Livre Paris (anciennement le Salon du Livre de Paris) le dimanche 20 mars, de 16 à 17 heures. Où ? Sur le stand Lunatique. Certes, mais où se situe le stand Lunatique ? Nous attendons encore de le savoir...

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