Nous
croyons que le bourreau est laid, nous croyons que le bourreau a toujours l’apparence de l’ogre ou encore qu’il est dissimulé
sous la cuirasse de Darth Vador. Le bourreau peut être beau comme à
l’image de l’ange, s’appeler Monika ou Alfredo Astiz, El
Ángel Rubio de la Muerte, et
torturer hommes, femmes et enfants. Pour Astiz, la dictature des
militaires argentins lui offrait des proies, le confortait lui aussi
dans l’ivresse d’une parfaite impunité, dans un sentiment de
liberté. Lui, qui venait d’un milieu aisé, avec une certaine
éducation, est devenu un monstre.
Dans
son roman, La toute petite fille monstre,
A. S. Nebojša nous raconte l’histoire d’une fille de 16 ans,
fragile comme du verre, qui deviendra un bourreau, une criminelle de
guerre. Avant le conflit des Balkans, Monika survit, se bat pour
manger à sa faim, la culture semble quasi absente de sa vie.
Pourtant, comme pour Astiz, la guerre va permettre à ses pulsions
agressives, meurtrières, de se libérer, de devenir un monstre, du
même niveau qu’Astiz.
Un
roman très bien écrit qui ne tombe pas dans le voyeurisme et nous
permet d’entrer dans la tête du monstre. L’originalité est que
le lecteur s’interroge avec l’auteure au fil des pages. Un pari
risqué qui aurait pu être trop déroutant. Le livre semble poser
indirectement la question suivante : « Le meurtre serait-il la
passion première chez l’être humain ? » C’est parce
que nous savons la Philosophie présente parmi les hommes et les
femmes, fondatrice de l’humanité, du pôle nord au pôle sud, que
nous sommes majoritaires à ne pas nous transformer en barbares.
Dans
son livre, A. S. Nebojša évite l’écueil du jugement hâtif, du
voyeurisme, parce qu’elle ne s’érige ni en juge, ni en entité
miséricordieuse, ni en journaliste. Elle a su utiliser la force du
romanesque pour nous inviter à nous interroger sur nous-mêmes, sur
le monde, sans chercher à imposer de point de vue, elle crée ainsi
un riche dialogue entre des lectrices, des lecteurs et une auteure.
Un livre à découvrir et un éclairage tristement réel d'une
guerre, d'un génocide qui a eu lieu au pas de notre porte, contre
des Musulmans, ou supposés comme tels, c'était en Europe, dans les
années 1990, c'était hier soir... L'incendie est-il seulement
éteint ?
Chronique dérobée à Michel Lecorre,
dans le Soupirail des écrivains
Commentaires
Enregistrer un commentaire