Quand L'Arrache-Cœur (592) s'empare de L'Ange gardien, de Raymond Penblanc, ça donne une chronique savoureuse à écouter ici.
Paludes, de Nikola Delescluse,
numéro 821 du vendredi 3 février 2017
Retrouvez
l’émission littéraire Paludes en
intégralité sur
le site Internet de Radio
Campus Lille à
partir du samedi 4 février 2017, pendant deux mois, dans la grille
des programmes (Archives).
Je
l’ai regardé marcher, j’ai observé ses mains (lui, bien
entendu ne me voyait pas). Elles s’activaient au fond de ses
poches, et pourtant il n’y avait aucune femme en vue. Monsieur
Rouste était occupé à se tripoter avec obstination, si bien que
j’ai dû admettre qu’entre ses organes et lui existait bel et
bien un rapport de dépendance, ou plus exactement que le symbole de
son pouvoir nichait bien là, charnel et décidé. Tant qu’il
avait ça entre ses doigts il devait se sentir vaillant,
entreprenant et fort, invincible pour le coup. J’ai remarqué (il
ne se trouvait plus qu’à quatre ou cinq mètres, tantôt il se
rapprochait et je l’apercevais de face, tantôt il faisait
volte-face et je le voyais de dos) que ses mains allaient chercher
jusqu’à mi-cuisses leur objet de consolation. Le sceptre était
tombé, voilà ce que je me suis dit. Le sceptre était rompu,
brisé, il piquait du nez comme une fleur tranchée. Depuis le
dictateur sur le bateau de l’exil jusqu’au politicien défait
aux élections, tous montrent une grosseur suspecte au milieu de la
cuisse, que la main anxieuse tripote et quelquefois soupèse, sans
la moindre discrétion. Faites le tour des défaites militaires,
politiques, sociales, professionnelles, sportives ou amoureuses, et
vous retrouverez, quel que soit l’âge de la victime, la même
pathologie déprimante, avec les mêmes symptômes et le même
traitement. J’en ai conclu que c’était pour s’éviter pareil
déshonneur que monsieur le directeur gardait obstinément les
mains au fond de ses poches, j’ai eu pitié de lui.
pp.
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L'Ange gardien s'expose à l'espace de l'Autre LIVRE (13, rue de l'École polytechnique, 75005 Paris) et sera, en même temps que les ouvrages signés Raymond Penblanc, mis à l'honneur le week-end des 11 et 12 février, alors que nous accueillerons Hugues Breton et Juliette Penblanc, pour fêter Dos au mur.
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