Le pire... c’était la peur...

Cinq histoires prenantes. Cinq parcours tantôt tortueux, tantôt limpides, tout en finesse, même quand cela va droit au but. La première histoire m'a profondément touché. Le désarroi d'une mère face à son fils qui plonge... Que faire pour le faire revenir ? Les fins sans tomber dans le jeu des chutes qui remettent tout en cause - un peu saoulant parfois dans l'exercice de la nouvelle - laissent rarement sans réaction. La diversité des thèmes, l'ancrage social et l'authenticité des situations rendent ce livre profondément humain. On comprend, on se projette, on s'effraye rien que d'y penser, on se demande comment on ferait avec et puis l'histoire suivante arrive. J'ai eu besoin de faire une pause entre chaque histoire afin de laisser la fin se déposer, mais très vite j'ai eu envie de lire la suivante. C'est un ouvrage très cohérent et fort. La couverture énigmatique colle bien au propos. Son abstraction en noir et blanc pleins de nuances en dit beaucoup sur le titre.

Pas de deux
Il y avait bien cette Vierge immense qu’elle avait aperçue, peu de temps avant leur arrivée, par le coin décollé du plastique qui obstruait la vitre arrière de la camionnette qui les avait transportées, Anna, elle et les autres filles. Cette Vierge dressée au sommet de la colline, sur sa tour de pierre. Est-ce qu’il ne se trouverait pas une chapelle, tout à côté ? Est-ce qu’elle ne pourrait pas s’y réfugier, quand il ferait moins noir? On ne chasse pas les pauvres gens des endroits consacrés, n’est-ce pas ? Nulle part dans le monde. Dieu ne le permet pas. Ni la Sainte Vierge... Marie, Mère de Dieu, protégez-moi... Et vous, Enfant Jésus, donnez-moi la force...
Le pire, ce n’était pas le froid, ni ses vêtements glacés, raidis par l’humidité. Ce n’était pas non plus la douleur, elle en avait vu d’autres ! Le pire... c’était la peur... Elle avait bien senti qu’elle s’était mal réceptionnée sur le sol inégal. Ce lancinement, de la cheville jusqu’au bout des orteils... Puis plus rien. Suffisamment longtemps, du moins, pour qu’elle n’y songe plus.
Mais la peur... Ce rongeur qui avait planté ses dents dans la chair de son ventre et qui ne la lâchait plus. La peur quand elle avait compris. Quand ils avaient ramené Anna dans la pièce où ils les tenaient enfermées toutes les cinq. Quand ils l’avaient jetée, plutôt, comme un paquet souillé, couverte d’ecchymoses et du sang plein les jambes.
pp. 36/37

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