Je m'appelle Jehanne. J'ai dix-neuf ans. Dans peu de temps je serai morte. Ils ont dit qu'ils me brûleraient vivante. D'habitude il y a derrière le bûcher un bourreau qui étrangle le condamné avant la première flamme. Pour moi ils ont dit vivante.
Sans
doute est-il temps que je meure. J'ai vécu trop fort. Peut-être,
plus
Iongtemps, me serais-je usée d'amour.
«
... usée d'amour… », l'amour fou de Jehanne pour Gilles de Rais.
Jehanne la pure est devenue l'incarnation du désir amoureux, et
Gille de Rais, au contraire de sa légende, un être de devoir et
d'abnégation à Dieu. L'histoire est ici le décor d'une rencontre
bouleversante. Seule la pureté n'est plus là où l'on avait
l'habitude de la révérer. Les rôles ont été inversés.
Article
publié dans La Marseillaise, 27 Janvier 1995, J.-M. Dellaroli
Pour
son premier roman Violaine Bérot s’est glissée dans la peau de
Jeanne d’Arc et a imaginé le monologue intérieur de Jeanne avant
sa mort.
Tout aussi troublant qu’une « vraie » étude historique
ce très poétique et très nostalgique monologue nous propose une
vision peu orthodoxe de Jeanne : une Jeanne désormais terrestre,
aimante et fabulatrice, ne craignant Dieu ni Diable. Ceci dérangera
certains, mais oublions les grincheux : la vision de Violaine Bérot nous offre une Jeanne humaine pétrie d’amour et de passion, vivant
et souffrant par amour, illuminée et grandie par lui. Alors, comme
si nous écoutions Jeanne nous parler dans sa cellule de Rouen,
laissons-nous séduire par ce monologue imaginaire, par ce très doux
et très fou
amour de Jeanne.
Présentation
publiée à l’occasion de la réédition sur le site de la maison
d’édition Lunatique
Réédition
du tout premier roman de Violaine Bérot paru en 1995, chez Denoël,
Jehanne, n'a pas pris une ride.
Dans un style épuré, direct et
néanmoins sensible, l'auteur malmène l'image lisse et froide comme
une armure de la Pucelle d'Orléans pour dresser le portrait d'une
jeune fille indépendante, à l'esprit vif et au cœur consumé
d'amour pour un homme, et non des moindres, Gilles de Rais.
[…]
Jehanne est loin d'être une sainte. Jehanne a menti. C'était le
prix à payer pour s'affranchir d'une vie trop sage, trop étriquée,
imposée par sa condition paysanne : «
Je vais partir. Tout quitter. Fuir cette vie où je ne suis rien.
Rien, que la fille de ce rustre, ce Jacques d'Arc qui me dégoûte.
Il y a longtemps déjà que je pense à cela. J'ai bien réfléchi.
Je ne dois pas partir sans but. Je sens que je suis capable de faire
de belles choses. Il ne me manque que l'idée. »
Et l'idée, nous la connaissons tous pour l'avoir apprise à l'école
: «
J'avais treize ans. C'était dans le jardin de mon père, en été,
en plein midi. Il y a eu une voix. Et en même temps une immense
clarté. "Dieu t'ordonne de lever le siège d'Orléans et de
conduire le roi à Reims pour son sacre." »
Jehanne n'est pas dupe du châtiment qui l'attend : «
Je n'ai pas le droit de gâcher le peu de temps qu'il me reste à
vivre. »
Et pourtant : «
Je préfère cette vie que je m'invente, cette vie qui ne pourra être
que débordante, à toute autre vie, si longue soit-elle. »
Et ses rêves «
au-delà des autres »
la mèneront à la mort.
Le
roman s'ouvre sur une Jehanne recluse dans sa cellule, à quelques
heures de son supplice. Et c'est avec une désarmante franchise
qu'elle livre son histoire de jeune paysanne qui n'hésite pas à
faire de faux serments, pourvu qu'on la laisse librement caracoler,
saluant au passage ses fidèles compagnons d'armes, Xaintrailles, La
Hire ; égratignant Charles VII ; et clamant sans détour sa folle
passion pour le Sire de Rais, commandant des armées royales.
Lucide,
Jehanne s'exprime avec des mots simples, tantôt durs, tantôt doux,
mais jamais complaisants. Fuyant un monde pour lequel elle n'était
pas taillée, Jehanne «
la pas normale »,
éprise de liberté, s'enferrera dans le blasphème pour se
constituer, à son cœur défendant, prisonnière d'une armure et
d'un état de grâce, éloignant à jamais ces hommes - cet homme,
Gilles de Rais - pour qui elle a bataillé avec la fougue de ses
dix-neuf
ans.
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