La
colère me prend.
«
J’irai pas. Et tu sais pourquoi ? Parce que je suis un vrai
écrivain, moi, pas un montreur d’ours. J’invente des histoires,
des vraies histoires. Israël, fous le camp. Non, pas toi ! C’est
le chat ! Qu’est-ce que je disais ? »
Il
répète d’une voix glaciale : « J’invente des vraies
histoires.
Oui,
et tu sais ce que c’est, une vraie histoire ? – Vas-y toujours,
dit-il de la même voix. – C’est une histoire qui est là. Je
me frappe le front.
Une
histoire IN-VEN-TÉE. Tu comprends ? – Et avec quoi tu l’inventes,
ton histoire inventée ? – Avec quoi ? – Oui, avec quoi ? –
Avec moi. » Silence. « Moi, je vais te dire ce que je pense. Tes
bouquins, tes machins d’invention avec de l’invention, c’est du
grand bluff. Pire que la Bourse. Du virtuel, tu comprends ? Moi je
t’apporte du vrai, du saignant, en chair et en os, du cousu main,
du qui est vraiment arrivé, et il y a même une nana qui en est
morte, vraiment morte. Tu veux que je te dise ce que t’es vraiment ?
Un sale con de judéo – chris - tiano – mystico à la noix. »
Il
ricane. « Et fauché, en plus. Un faux-juif, quoi. Le pire. »
Israël a sauté sur mon bureau. Il se lèche les pattes avec
componction. Je dis : « à quelle heure ?
–
Trois
plombes. Ciao. »
Et
il raccroche.
Seigneur,
j’ai combattu vaillamment ! Seigneur, j’ai résisté au-delà
de mes forces! Seigneur, j’ai honoré ton nom, mon père, ma
mère, Natacha et Israël !
Seigneur,
j’ai chanté ta gloire ! Seigneur, je me suis lamenté, plus que
de coutume ! Seigneur... je m’écroule sur un fauteuil en
gémissant. Me suis salement cogné le tibia en faisant mes
prières. Ecce Homo.
pp.70/71
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