les personnages cherchent leur auteur, l’auteur cherche son écriture, l’écriture cherche ses lecteurs

Ici ou ailleurs, dans notre époque ou une autre, homme ou femme, jeune ou vieux, sage ou déraisonnable, honnête ou crapuleux, aimé ou détesté… mille autre possibilités s’offrent à moi avec tous ces personnages de romans, ceux que j’ai lu et ceux qu’il me restent à lire. Et même avec ces personnages qui m’utilisent comme terrain de jeu. Ou de je.


Aujourd’hui, « je » me contente, je suis contente, d’être Philippe dans Vertécon de Bernard Edelman.

– L’histoire d’un livre qui quête son écriture, dis-je dans un souffle.L’histoire d’un livre qui quête son écriture ! Fichtre ! Et ça finit bien ? Ils arrivent à se rencontrer ?

Philippe a trente et écrit des livres. Il rencontre son éditeur qui lui demande d’être plus ancré dans la réalité. Philippe part donc à la recherche de son écriture, nous offrant une mise en abyme intéressante : les personnages cherchent leur auteur, l’auteur cherche son écriture, l’écriture cherche ses lecteurs… un peu comme un chien qui se mord la queue. Mais en plus élégant !
Bien sûr, auteur, personnage, réalité et fiction se mélangent un peu, nous laissant un peu perdus, un peu acteur nous-mêmes de l’histoire, par les choix que nous faisons, le choix d’adopter un point de vue sur la lecture de l’histoire.
Un petit livre qui, mine de rien, dit de grandes choses, sur l’écriture, sur le rapport de la fiction à la réalité dans les livres. Réflexions mises en scène habilement, plus j’ai trouvé que dans d’autres livres abordant le sujet (sous un angle assez différent cependant, comme dans D’après une histoire vraie, de Delphine de Vigan).
Et surtout je suis persuadée qu’il s’agit là de littérature. Peut-être parce que le style est remarquable, parce qu’on sent que l’auteur joue avec les mots et se joue des mots, parce qu’il y a une construction certes complexe mais soignée dans cette histoire.
J’ai trouvé aussi une ironie mordante, des réflexions un peu sarcastiques aux accents gariesques. J’y ai même trouvé quelques références, que j’imagine peut-être, mais je suis sûre qu’avec un tel livre, le lecteur est autorisé à faire acte d’imagination : la réalitite aigüe, les cerfs-volants et l’auteur mégalo dont les jours finissent mal.

« T’as déjà lu un truc où des personnages cherchent un auteur ?
Oui, je dis.
– C’est tout à fait toi. »
Sidération. Stupéfaction. Je saute de joie. Je dilate. Le miracle s’accomplit. Le monde sera sauvé. Et moi avec. Un jour, la mort viendra et elle aura tes yeux. Formidable. Si moi est un autre, moi peut vraiment exister. »
Une belle œuvre ! À moins que mon imagination m’ait joué des tours…
« Et je lui chuchote à l’oreille.
« On va être publiés et on va devenir immortels. »

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