Le
soir, à la quenouille, les klatschwiwer laient et divaguaient. Tout
était permis en paroles entre commères ces soirs-là, des plus
salaces aux plus fabuleuses histoires en passant par des médisances.
Les seules règles étaient que la langue fût justement épicée,
que la couleur des narrats rivalisât autant que les nuances d’un
pré en fleurs, et que, si possible, au moins quelques bouts de
phrases rimassent entre elles. Rien à voir avec les échanges au
lavoir, où les coups de battoir scandaient injures et
méchancetés. À la quenouille, des éclats de rires fusaient
quand l’une d’elles avait si bien réussi à emberlificoter les
autres que les fils des spinnrocken s’emmêlaient et se nouaient
entre eux comme un roi-de-rats.
De
la lointaine Franconie, une cousine de la Berthel du mausolée, Frau
Furstling, se joignit à elles le soir de son arrivée à
Lingolslzheim. Les fils des klatschwiwer s’araignaient entre eux
avant même que la Furstling ne débutât son histoire. Elles
étaient curieuses et bien excusables si leur imagination était un
peu tarie par les misères, et que le cœur des commères n’était
pas toujours aux sornettes et aux larifari inventifs. L’impatience
montait, et la commère de Franconie s’amusa à étirer son
préambule à tel point que certaines fileuses étaient tentées
de lui écraser son chignon à tresses bavaroises avec leur bâtons
de quenouille. Mais la rouée était habile, défilant d’abord
une longue liste de lieux et de femmes aux noms étranges dont elle
disait tenir son histoire.
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