Vertécon, de Bernard Edelman
Renifle
dans son sommeil. Pousse des petits jappements. Ses jambes
tressautent. L’oreiller, humide et chaud. Une fois, une seule, me
glisser dans ses rêves, en effraction. Une fois, une seule, me
blottir dans un coin, sans faire de bruit. Pénétrer ses
souvenirs, les suivre au fil de l’eau. Où va la vie ? je me demande.
Tu lis des bibliothèques, tu uses ta cervelle à comprendre
quelque chose qui n’existe peut-être pas et tu te demandes
pourquoi ça n’existe pas, tu annotes Platon, Aristote, Plotin et
tout le saint-frusquin, et cette petite garce – que j’adore,
entre parenthèses – te regarde, son matou eunuque sur les genoux,
et te dit : « La vie s’en va. » Et toi, tu restes bouche bée tu
cherches à toute allure la bonne citation – Héraclite
peut-être, ou Proust, et les idées de Platon se barrent, l’ego
transcendantal se fait la malle, et la phéno se dégonfle comme un
sac en papier. Et tu restes coi. Coi. Quoi ? Doit y avoir un mystère
là- dedans. Faut être les deux pieds sur terre et la tête sur
les épaules. Campé dans l’histoire des hommes qui va sûrement quelque part. Presque sûr à cent pour cent. Ou alors c’est
Héléna qui sort de sa tombe et te tire par la manche, veut
comprendre ce qui lui est arrivé, un jour, elle qui aimait tant la
vie, tant écouter le violon. Tu obéis. Tu te lèves dans la
nuit, tu te cognes à la table, à la chaise, partout où tu
peux te cogner. Tu marches, les mains en avant, comme
un aveugle. Tu cherches ce qui a été perdu et n’a peut-être
jamais existé. Agapé.
pp.122/123
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