et voilà Frankentruc, bébête « trop grande pour être un rat, une souris ou une musaraigne, et trop petite pour être un ragondin »

The Big Banx
En 1818, Mary Shelley, vingt et un ans, met au monde un Monstre. Son accoucheur : le docteur Frankenstein. Il est caricaturiste. Il a été salué par de nombreux prix. Il est l'auteur d'une demi-douzaine d'albums, de cent cinquante-six courts-métrages déconseillés aux âmes sensibles. Le pur-sang Dr Devious (à l'esprit tortueux, in French), vainqueur du Derby d'Epsom en 1992, devait son nom à l'un de ses personnages. Au Carnaval de Nice, les zizis de ses silhouettes choquèrent les pudibonds. Son nom : Jeremy Banx. Compatriote de Mary Shelley, il lui fait l'honneur de participer au bicentenaire de la naissance de son Monstre – nous vous rappelons que ce terme désigne un corps qui s'écarte des normes habituelles – et d'offrir à son colossal baby un jumeau, sorti tout droit de sa débordante imagination, ou plutôt de ses délires habilement confusionnels. Hélas, le double animé par le Frankenstein de Banx s'ennuie et commence à en avoir marre de fabriquer des trolls en origami. Lui créer une fiancée pour le détourner de son ennui ? James Whale, le réalisateur britannique l'a déjà fait, et ça a mal fini ! Et pourquoi pas un copain ? D'autant plus que Igor, le chat du docteur Frankenstein, est rentré à la maison avec un truc dans la gueule. Un truc à poils et en charpie. Et le savant fou de s'exclamer : « Voici le truc informe grâce auquel je vais faire un ami à mon monstre ! » Sitôt dit, sitôt fait, et voilà Frankentruc, bébête « trop grande pour être un rat, une souris ou une musaraigne, et trop petite pour être un ragondin ». Qu'est-ce, alors ? C'est un bidule, un machin, une chose, une énigme, un truc, quoi ! Bien en a pris au British doctor, puisque ses deux créatures deviennent inséparables. Elles passent leur temps, nous dit Banx, à sauter à la corde, chasser les papillons, cueillir des fleurs sauvages, jouer aux tombes musicales, saute-cadavre ou 1, 2, 3, cercueil. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes banxien. Mais, car il y a toujours un mais, Frankentruc a la fâcheuse idée de profiter de l'absence du créateur pour jouer avec son compère à une partie de cachecache. Et il n'a rien trouvé de plus dangereux que de se planquer dans le lieu interdit du château : le laboratoire du Maître, où se trouve le chat Igor. S'ensuit une course-poursuite digne d'un cartoon de Tex Avery. Mais c'était sans compter sur l'arrivée du Monstre salvateur. Encore moins sur celle de Henry Victor Lionel Basil Kenneth Edison Clive Edsel Frankenstein, qu'un gigantesque éclair va éparpiller en mille morceaux. Ne croyez surtout pas que nous allons vous dire ce que vont faire nos deux héros après avoir fumé le calumet de la paix avec Igor et trouvé un livre. Cet article finira donc sur le titre des appendices, signalés en fin douvrage : armoiries de la maison Frankenstein. Affiches publicitaires pour divers produits fabriqués par l'azimuté savant. Règles et histoire du Clac- Doigts. Diplômes de Frankenstein. Un plan touristique. Les instructions pour réaliser des trolls en origami. Attention! Avant de commencer votre lecture, prenez vos précautions pour rester en vie. Le livre est à mourir de rire...


Anne-Marie Mitchell , La Marseillaise, mars 2018

Frankentruc, par Jeremy Banx, traduit par É. Gomez, aux éditions Lunatique, 135 pages, 16 euros.

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