« L’impact. Le bruit sec des os concassés. »


Un titre de billet qui évoque les lendemains de salon... Un emprunt à Je fus homme autrefois, de Sarah Taupin.


Sur les rotules de ses genoux

Il avait épuisé tous les recours, remué ciel et terre sans jouir de la moindre oreille compréhensive, et la bienveillance dont on avait fait preuve à son égard n’aurait pas rempli le fond d’un dé à coudre. Avec cette histoire, il avait mesuré sa solitude et sa transparence ; l’écœurement qu’il en avait ressenti l’avait résolu à se faire justice tout seul.

Dans la profondeur de ses nuits sans sommeil, cette décision était apparue si logique et si simple qu’il l’avait immédiatement adoptée, sans même se préoccuper des effroyables conséquences à déplorer pour sa famille et pour lui-même. Il voulait seulement sa vengeance, en exprimer l’acidité et la violence en une gerbe unique qui condenserait sa haine contenue contre ce Système tout entier qui l’avait traîné dans la boue, humilié, rabaissé sa douleur jusqu’à en faire une boulette de papier jetée aux ordures des palais de Justice et des commissariats.

Serrant les paupières jusqu’à s’en faire mal, il se remémora chaque seconde de l’accident. Sa belle Ophélie, heureuse, courant sur la chaussée en hochant sa tête minuscule… Puis l’enchaînement fatal : Ophélie qui échappe à sa surveillance et vient jouer juste devant la voiture qui charge. L’impact. Le bruit sec des os concassés. Et sans un cri, son corps blanc projeté sur le trottoir suivant l’orbe d’un élégant arc de cercle. Enfin, le conducteur terrifié, qui prend la fuite et disparaît quelques secondes après.
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